Grève générale du codage dans 6 hôpitaux de l'AP-HP !

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Voté le 10 octobre dernier, lors de la première assemblée générale (AG) du collectif Inter-Hôpitaux (CIH), l'arrêt du codage T2A se propage dans de nombreux établissements et commence à faire sérieusement peur au gouvernement. 

Grève générale du codage dans 6 hôpitaux de l'AP-HP !

Tout est allé très vite. Un peu trop vite sans doute pour les directions d’établissements, les tutelles ou le ministère de la Santé. Le 10 octobre dernier, la première assemblée générale (AG) du collectif Inter-Hôpitaux (CIH) votait la mise en œuvre des mesures urgentes suivantes : suspension des réunions administratives, arrêt du codage T2A… 

Dix jours plus tard, l'arrêt de codage est effectif dans TOUS les services de 6 hôpitaux de l’AP-HP : Robert-Debré (Paris) qui a été le premier à franchir le pas fin septembre, Saint-Louis (Paris), Bretonneau (Paris), Bicêtre (Le Kremlin-Bicêtre), Beaujon (Clichy) et Antoine-Béclère (Clamart).

L'arrêt de codage a également été voté dans un nombre croissant de services des les hôpitaux suivants : Bichat-Claude-Bernard (Paris), Pitié-Salpêtrière (Paris) *, hôpital européen Georges-Pompidou (Paris), Rothschild (Paris), Louis Mourier (Colombes), Necker (Paris),  Armand-Trousseau (Paris), Paul-Brousse (Villejuif), CHU Estaing (Clermont-Ferrand), mais aussi par l'ensemble des services de pédiatrie de Marseille (Timone et Hôpital Nord). 

Mais ce n’est qu’un début quand on sait que des réunions (AG locales) sont prévues cette semaine dans plusieurs hôpitaux d'Île-de-France et en province pour décider de l'arrêt du codage.

Renforcer le rapport de force

Pour le Dr Sophie Crozier, neurologue à la Pitié-Salpêtrière et membre du CIH, « l'arrêt de codage est une action politique pour refuser ce système qui nous a conduits là où on en est aujourd’hui ». Et cela semble fonctionner si l’on s’en tient « aux prises de paroles récentes des tutelles et des directions diverses et variées que cela ennuie. Cela permet donc de renforcer le rapport de force ».

Le Dr Crozier fait notamment allusion au courrier du directeur général de l’AP-HP Martin Hirsch (lire notre interview de Sabrina Ali Benali) qui a sans tarder souhaité alerter les médecins des conséquences du non-codage dans les hôpitaux. En expliquant que le fait de faire appel à des prestataires privés provoquerait « une dépense sur le budget 2019 au détriment d’autres dépenses ». Avant d’agiter le spectre de la baisse du taux de recouvrement.

Pour le Dr Crozier, l’argument de Martin Hirsch, qui consiste à dire que l’AP-HP devra faire appel à des prestataires privés pour réaliser le codage, est « en partie faux ». Car, « il y a aujourd’hui la possibilité, dans beaucoup de services, de récupérer ces informations dans les comptes rendus d’hospitalisation »

Lors de l’AG du CIH, la grève du codage avait fait l’objet de débats animés. Il y avait deux positions. « Certains disaient, comme Martin Hirsch, que l’on se tirait une balle dans le pied, que cela allait coûter cher à l’institution... D’autres disaient que c’était important de faire un geste politique, qu’il fallait faire ce genre d'actions, sans que cela impacte la prise en charge des patients », résume le Dr Crozier.

La deuxième option a finalement été choisie, ce qui a déclenché un vent de panique dans les directions des hôpitaux mais aussi au ministère. « Cette mobilisation montre notre capacité à avoir des actions collectives et à être solidaires, selon le Dr Crozier. Cela peut faire peur et cela peut nous aider à être entendus au ministère et à Bercy, voire par le président de la République. Car, quand un grand mouvement collectif se met en place, ça fait tache d’huile. »

D’autant plus que le collectif Inter-Urgences a bien préparé le terrain depuis le début du mouvement en mars dernier : « Le collectif Inter-Urgences a fait un boulot énorme depuis 7 mois. Le travail est déjà bien préparé, donc c’est plus facile de mobiliser, » estime le Dr Crozier.

Le renfort des médecins

Aujourd’hui, la différence entre le CIH et le collectif inter-Urgences, c’est qu’un nombre croissant de médecins rejoignent le CIH. « Le mouvement du collectif Inter-Urgences était jusqu’à présent très paramédical, peu de médecins avaient rejoint le mouvement. Aujourd’hui, beaucoup de médecins, et notamment des professeurs et des personnalités importantes, ont rejoint le CIH », poursuit le Dr Crozier.

Et d’ajouter : « C’est triste que la parole de soignants soit moins importante que celle des médecins, mais ça fait peur au ministère qui est en train de réfléchir à la suite, notamment à des annonces éventuelles dans les prochains jours car ils n’ont pas envie que notre mouvement prenne trop d’ampleur. »

Autre motif d’inquiétude pour le gouvernement : plus de huit Français sur dix soutiennent la grève aux urgences, tandis que de nouvelles actions sont prévues dans les semaines qui viennent : rassemblement le 29 octobre à Paris (jour du vote solennel du PLFSS à l’Assemblée nationale) et une grande manifestation qui réunira tous les personnels hospitaliers le 14 novembre à Paris.

La ministre de la Santé n'a pas la main ?

Pour en revenir à la grève du codage, elle agace « les directions d’hôpitaux qui sont terrorisées à l’idée qu’il y ait moins d’argent qui rentre dans les caisses », estime le Dr Crozier qui tient à préciser la chose suivante : « La grève du codage n’a pas l’objectif de déstabiliser des directions. Elles n’ont pas la main. La ministre de la Santé a reconnu elle-même qu’elle n’avait pas la main sur le budget de la sécurité sociale, donc c’est pour ça qu’on s’adresse beaucoup plus haut. Car ce sera au président de la République de décider si oui ou non il veut augmenter le budget de la sécurité sociale, car cela ne passera que par cela. »

Hors de question en effet « de se contenter d’enveloppes de 750 millions car ce ne sont que des broutilles par rapport aux besoins actuels. Nous sommes dans une situation de déficit majeur. La plupart des hôpitaux sont endettés, ils ne sont plus en capacité de faire des investissements. À l’AP-HP, on est à un taux de vétusté qui est à plus de 70 %. Donc, on ne peut pas se satisfaire de centaines de millions, il nous faut des milliards. Il faut une augmentation du budget de la sécu. Actuellement l'Ondam est à 2,1 % , ce qui est totalement insuffisant par rapport à des dépenses prévues autour de 4,3 %. Donc notre objectif principal, c’est d’obtenir une augmentation de l’Ondam. »

Et bien sûr, « que l’on continue à avoir des services et des hôpitaux qui se positionnent sur l’arrêt du codage pour que l’on ait un grand mouvement collectif qui exprime son refus de la situation actuelle des hôpitaux. »

* À la Pitié-Salpêtrière, les services suivants ont décidé l’arrêt du codage : diabétologie, endocrinologie, infectiologie, cardiologie, neurologie, psychiatrie… 

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