Grève des internes contre l'explosion des limites du temps de travail

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Les 18 et 19 juin, les internes sont appelés à la grève pour militer pour un encadrement de leur temps de travail. Entretien avec Léo Sillion, vice-président de l’ISNI.

Grève des internes contre l'explosion des limites du temps de travail

Derrière une grève, il y a toujours un mal-être. Et parfois, il n’y a malheureusement que l’embarras du choix. « Il y a une grande facilité à trouver des revendications, il y en a même tout un grimoire ! Mais pour cette grève, on en a choisi une seule, car il faut hiérarchiser. Face au mal être des étudiants, le plus gros problème à l’hôpital public, c’est la répartition, le temps et la charge de travail. Notre demande est simple : faire appliquer la loi française et les directives européennes », entame Léon Sillion.

Les 18 et 19 juin, les internes sont appelés à la grève. Une durée symbolique, « 48h de grève pour demander 48h par semaine.» Et triste ironie, « même là, on a une avalanche de médecins et internes qui veulent faire grève mais ne peuvent pas. Le comble, c’est que l’on travaille trop pour avoir le temps de manifester pour travailler moins », ajoute Léo Sillion.

« On demande de respecter les 48h hebdomadaires, ce qui est normalement le maximum, on ne parle même pas de faire 35h. On demande au ministère d’appliquer les lois de la République. C’est insupportable de se voir répéter qu’on ne va pas le faire alors que c’est la loi. »

Un temps de travail excessif qui est évidemment lourd de conséquences sur la qualité de vie des internes et des soignants. Mais « une autre très grosse conséquence, qui est un tabou énorme, c’est la qualité des soins, et les conséquences sur les patients. Un interne à bout, épuisé, va faire plus d’erreurs, moins bien prendre en charge ses patients. Si l’on continue de travailler après une garde de 24h, on perd 30 points de QI. Tous les voisins européens ont abandonné des durées de travail plus de 24h. C’est inacceptable de voir encore des choses comme ça en France », s’indigne le syndicaliste.

Et en effet dans les rangs des internes, les répercussions sont lourdes. La situation est grave avec « des taux de suicide, de dépression, de consommation d’alcool et de drogue plus élevés que la population générale du même âge. Mais c’est encore une omerta, un médecin qui exprime ses difficultés, est vu comme mauvais. »

Face à cette situation au bord du gouffre, le ministère de la Santé a annoncé le lancement d’une enquête sur le temps de travail. « Le but n’est pas de faire appliquer de manière bête et méchante. Nous aussi on a cette conscience professionnelle de s’occuper de nos patients. Mais cela ne doit pas être une source d’abus, des gens qui font 80h par semaine, ce n’est pas tolérable. Le Covid a rajouté une couche, il y a une pression énorme sur les services », rappelle Léo Sillion.

A Marseille ils se sont rendu compte que pour la garde aux urgences, l’interne est moins payé que le chien de la sécurité.

Important point de friction entre syndicats et ministère, la manière de compter dans cette enquête. « Le ministère veut compter en demi-journée et pas en heures. Un interne doit faire 10 demi-journées mais elles ne sont pas bornées. En 10 demi-journées on peut faire 90h par semaine, or il est stipulé que ce temps ne pas excéder 48h. C’est faire l’autruche, tant qu’on ne compte pas le temps de travail, on ne doit pas faire de dépenses pour y remédier ».

Et quand on parle d’argent, là aussi, il y a beaucoup à dire, avec une image qui parle d’elle-même. « Il y a un cas qui nous a fait bondir : à Marseille ils se sont rendu compte que pour la garde aux urgences, l’interne est moins payé que le chien de la sécurité. Un interne touche 140 euros pour une garde la nuit… pour 10h de travail », se désole Léo Sillion.

Pourtant les communications ministérielles s’enchainent, Olivier Véran et Frédérique Vidal se sont engagés via des communiqués à un « engagement total » et une « tolérance zéro », principalement au sujet du harcèlement et du burnout. « L’engagement sur certains sujets est bénéfique. Mais il y a une volonté marquée d’éluder les sujets problématiques du temps de travail, il y a un engagement total sur les violences. C’est évidemment un problème à part entière, pour lequel on se mobilise également beaucoup mais cela ne doit pas faire oublier le temps de travail avec un effet d’annonce. » L’ISNI espère que cette mobilisation pourra amener le sujet au cœur du débat public, « que la population va s’en saisir plus largement que dans la santé ». Et pour proposer des pistes concrètes de réflexion, le syndicat demande à être reçu par Olivier Véran.

Car sans action, c’est l’hôpital lui-même qui en pâtit. « Seulement 23% des internes envisagent l’hôpital public ensuite. Il est tellement maltraitant pendant l’internat, qu’après on le fuit comme la peste. Tout le monde se barre ! Où ? Dans le privé, le libéral, à l’étranger… ils ne savent même pas. La seule chose qu’ils savent, c’est qu’ils veulent partir. »

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