GHT : bilan en demi-teinte à mi-parcours

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L’Inspection générale des affaires sociales (Igas) vient de publier un rapport sur les groupements hospitaliers de territoire (GHT) adoptés il y a deux ans et demi. Le verdict est mitigé sur de nombreux points.

GHT : bilan en demi-teinte à mi-parcours

Trois ans après leur constitution, l’Inspection générale des affaires sociales (Igas) vient de publier un bilan d’étape des groupements hospitaliers de territoire (GHT), dont la création était est l’une des mesures phares de la loi de modernisation de notre système de santé.

Le rapport de 129 pages se concentre sur quatre axes : le périmètre géographique et la composition institutionnelle des GHT ; le fonctionnement de leur gouvernance ; les modalités d’élaboration, le contenu et la portée des projets médicaux partagés (PMP) ; la traduction de ces groupements dans la mutualisation des ressources hospitalières.
 
Autre objectif de l’Igas : apprécier la dynamique des GHT au regard des deux objectifs que leur fixait la loi de 2016, soit la gradation des soins pour un accès égal à des soins de qualité et sécurisés, et la rationalisation des modes de gestion.
 
Que faut-il retenir de ce rapport, après un premier bilan jugé négatif par la Fédération hospitalière de France (FHF) en 2017 ? Tout d’abord, que les périmètres des 135 GHT sont très disparates en termes de population couverte, de nombre d’établissements et d’étendue géographique. Mais ce n’est pas pour autant qu’une « révision générale des périmètres de GHT serait inopportune », en conclut le rapport.

Renforcer la gouvernance médicale

Néanmoins, selon l’Igas, « certaines situations contrecarrent les objectifs assignés aux GHT » : nombre d’établissements trop réduit et offre de soins fragile, velléités de dissidence, dérogations accordées aux EPSM (établissements publics de santé mentale) ou GHT exclusivement psychiatriques. Ce qui signifie que « des mesures correctives » sont à prendre « rapidement pour ne pas freiner le déploiement des GHT concernés », poursuit le rapport.

Sur la question de la gouvernance, la mission n’a pas constaté de tensions entre directions et communautés médicales dans les GHT où elle s’est déplacée. Mais, pour renforcer la gouvernance médicale en application de la loi d’organisation et de transformation du système de santé, elle propose que « la composante médicale soit majoritaire au COSTRAT (comité stratégique, NDLR), par analogie avec le directoire des établissements de santé ».
 
Le rapport indique également que les PMP, adoptés en 2017, sont « globalement de qualité » : bilan complet de leurs filières, objectifs ambitieux de gradation des soins validées par les ARS… Sauf que « l’articulation avec les projets de soins partagés (PSP) est insuffisante » tandis que « l’association avec le secteur médico-social est inégale ». Quand elle ne fait pas défaut dans un tiers des cas avec l’HAD (hospitalisation à domicile), même si elle est censée être obligatoire.
 
Par ailleurs, l’ouverture sur l’offre de ville, pourtant reconnue comme nécessaire, est « traduite dans des outils numériques et portails d’information partagée, mais reste souvent faible dans l’attente d’une structuration de la gouvernance des acteurs libéraux dans les CPTS ». Tout cela fait dire aux auteurs du rapport que le bilan des PMP reste contrasté deux ans et demi après leur adoption.

Mutualisation des ressources en médecins

Le rapport estime aussi que la mutualisation des ressources en médecins est « tantôt freinée, tantôt stimulée par les tensions de la démographie médicale ». Si bien que ses effets sont variables, car si des équipes médicales de territoire se créent dans certains GHT, « ce mouvement dépend fortement des ressources médicales des établissements supports et n’a pas permis de mesurer une réduction du recours à l’intérim ».
 
Certes, quelques GHT se sont déjà engagés dans des démarches de GRH médicale comme le prévoit la loi, pour permettre de développer une gestion prévisionnelle des emplois et des compétences (GPEC) médicale, constat le rapporte. Mais tout cela doit pouvoir s’appuyer sur « un renforcement de l’attractivité des emplois médicaux à l’hôpital public », selon l’Igas.
 
L’état des mutualisations des fonctions supports est également très hétérogène. Car « les systèmes d’information hospitaliers (SIH) sont caractérisés par la diversité des logiciels utilisés par les établissements d’un même GHT », qu’il s’agisse de l’informatique médicale ou de gestion. Si les directions SI de GHT sont créées et les schémas directeurs arrêtés, les ambitions de convergence se limitent souvent à « une interopérabilité des applications, faute de consensus sur un choix de logiciel commun et de moyens suffisants pour en faire l’acquisition », poursuit le rapport.
 
Conséquences ? L’objectif du dossier patient unique, qui est pourtant « important pour coordonner l’exercice médical au niveau du territoire », semble « très lointain » (délais estimés entre 5 et 10 ans).  De plus, les coûts d’infrastructures (réseau, hébergement des données), d’achats et de déploiement des logiciels dépassent largement les financements prévus, estime le rapport préconise « un accompagnement financier plus important ».

Deux scénarios envisagés 

Le rapport épingle également le fait que la structuration des DIM (départements de l'information médicale) de territoire est « inégale », que les gains sur les achats « ne paraissent pas progresser avec les GHT », ou que « la situation financière très dégradée de certains établissements support leur interdit globalement de jouer le rôle moteur » qui leur est assigné.  
 
Conclusion ? Les GHT sont actuellement « au milieu du gué », avec des déploiements « très inégaux ». Mais ces résultats, bien qu’incomplets et inégaux, sont « en trois ans très supérieurs à ceux que les CHT antérieures présentaient 7 ans après leur instauration en 2009 », relativise l’Igas qui imagine deux scénarios.
 
Le premier de court terme, est ancré sur la proximité. La mission propose « les ajustements nécessaires à la gouvernance du GHT, avec un champ de compétences déléguées aux hôpitaux de proximité pour les relations avec le médicosocial et la médecine de ville ». Le deuxième scénario, de moyen terme, consisterait à créer un « « établissement public de santé territorial » se substituant en une fois aux établissements parties ».
 

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