Gestion de l’Institut Pasteur : bien, mais pas top

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La Cour des comptes est vigilante

Gestion de l’Institut Pasteur : bien, mais pas top

Après avoir analysé l’emploi des ressources de l’Institut Pasteur, la Cour des comptes a estimé qu’elles étaient bien utilisées mais râle du bout des lèvres. Elle pointe du doigt quelques errances techniques, et le manque de pédagogie dans l’information fournie aux donateurs.

En poste seulement depuis le 1er janvier dernier à la tête de l’Institut Pasteur, le Pr Stewart Cole se prend d’entrée un petit soufflet de la Cour des comptes. Le microbiologiste britannique n’y est pour rien, puisque les comptes analysés sont ceux des exercices 2013 à 2016. Mais c’est quand même lui qui prend. Welcome, professor !

La Cour des comptes n’a pas non plus sorti le fouet, comme elle sait parfois le faire. Elle a passé un peu de pommade à la fondation privée pour sa « place singulière dans le paysage de la recherche française ». Mais elle ne s’est pas privée de hausser un peu le ton sur la présentation du compte d’emploi des ressources, et sur l’information fournie aux donateurs.

« Pour toi mon ami, c’est 38 millions au lieu de 82 ! »

Si elle reconnaît que les fonds sont bien utilisés et bien gérés – le fonds de dotation de l’Institut Pasteur s’élevait en 2016 à 790 millions d’euros, tout de même ! –, la juridiction financière reproche une « interprétation extensive du règlement de 2008 qui fausse les périmètres ». Plus précisément, les coûts de fonctionnement de l’Institut (par exemple, les frais de personnel administratif et dirigeant) ne sont pas affectés comme tels, mais sont rattachés aux missions sociales – c’est-à-dire la recherche.

Conséquence de la manœuvre : les chiffres officiels de frais de fonctionnement sont tronqués, environ de moitié. Et leur hausse, relativement importante, est masquée en valeur absolue (presque 20 millions d’euros en plus entre 2013 et 2016, contre 9 millions affichés).« Ces procédés ne sont pas strictement contraires aux termes du règlement mais conduisent à une répartition des coûts qui minore les frais de fonctionnement », explique simplement la Cour des comptes. Ils n’y sont pas contraires, mais le règlement laisse visiblement une marge de manœuvre trop grande au goût des Sages du Palais Cambon…

 

Nous sommes les Sages, et nous voyons tout

Autre point discutable : l’affectation des dons non spécifiques. Ces ressources proviennent de la générosité publique, mais ne sont destinées ni à un laboratoire, ni à une catégorie (cancer, VIH, etc.). La plupart du temps, elles sont réparties dans le budget général ou dans le fonds de dotation. « Ce mode de calcul […] ne permet pas de rendre fidèlement compte aux donateurs de la réalité de l’emploi des ressources », estime la Cour des comptes.

L’Institut Pasteur semble également gonfler légèrement son ratio de collecte, chiffre à destination des donateurs, et qui traduit l’efficacité de celle-ci (comparaison entre ce qu’elle coûte et ce qu’elle rapporte). La fondation ajoute en effet aux ressources les gains des produits financiers ou immobiliers issus indirectement des dons. Travestissant un peu l’information délivrée au public.

 

Encouragements, mais attention à la discipline

Globalement, l’Institut Pasteur est tout de même un bon élève. Les dons « font l’objet d’un suivi précis », et les précédentes recommandations émanant de la Cour des comptes ont été enregistrées. Mais elle se permet d’en formuler quelques autres.

Elle recommande que soit revue la définition des missions sociales et la répartition de leur coût avec celui des frais de fonctionnement, et que soit revu le calcul du ratio de collecte. Les comptes seront alors plus visibles. Dans le même esprit, elle demande que soit améliorée la transparence et la lisibilité des documents fournis aux donateurs.

La Cour des comptes recommande aussi que soit relevé le seuil de 300 000 euros au-delà duquel les dons et legs sont portés en produits exceptionnels, « seuil qui ne correspond plus à la réalité de la collecte réalisée par l’Institut ». Une meilleure transparence sur le système de rémunération, ainsi que la création d’un comité de déontologie chargé d’étudier les éventuels conflits d’intérêt, seraient également les bienvenues.

Source:

Jonathan Herchkovitch

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