Embouteillage d’ambulances devant les urgences… Quand les pompiers perdent leur temps

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Une attente pesante : à Tours, comme dans plusieurs villes de France, les ambulances des pompiers doivent régulièrement patienter des dizaines de minutes sur le parvis des urgences des hôpitaux pour transférer leurs victimes. Jusqu'à en perturber l'organisation des secours.

Embouteillage d’ambulances devant les urgences… Quand les pompiers perdent leur temps

© Playmobil

20h30 au CHU Trousseau, à Chambray-lès-Tours (Indre-et-Loire), au sud de Tours. Un Véhicule de secours et d'assistance aux victimes (VSAV) des pompiers arrive dans la baie d'accueil des urgences.

Deux ambulances privées patientent déjà dans le froid, il y en aura cinq de plus, une quinzaine de minutes plus tard. Les pompiers, eux, n'ont attendu qu'une poignée de minutes avant de confier leur victime à l'infirmière d'accueil et d'orientation.

"Ça ne s'est pas trop mal passé", apprécie le sergent-chef Arnaud, qui n'a pas souhaité donner son nom. "Il peut arriver qu'on attende au moins 20 minutes et ça peut aller jusqu'à deux heures. (...) Tant qu'on n'a pas laissé la victime à l'infirmière, on ne peut pas partir sur une autre intervention."

A la caserne de Tours Centre, le caporal Raphaël Palluau se remémore "la fois où ça a été le plus compliqué : ça a été en clinique, on a attendu plus d'1h45 sans être enregistré par l'IAO parce qu'elle n'avait plus de box disponible."

« Les délais d’intervention s’allongent, ce sont des chances de survie en moins pour la personne »

"S'il y a un autre appel, ce sont des VSAV d'autres secteurs qui vont venir. Les délais d'intervention s'allongent. (...) Ce sont des chances de survie en moins pour la personne", regrette le jeune homme.

Le phénomène ne se limite pas à Tours. Des villes voisines comme Châteauroux et Bourges connaissent parfois cette situation. Des files de VSAV devant les urgences de Bordeaux, Nantes, Quimper ou encore Strasbourg ont été rapportées par des médias locaux.

"Il n'y a pas de remède miracle", prévient le lieutenant-colonel Jean-Philippe Bordelais, du service départemental d'incendie et de secours (Sdis) d'Indre-et-Loire.

L'officier réclame une meilleure anticipation des hôpitaux, "pour rajouter du personnel" au bon moment. Et en cas de pic imprévu, "des solutions palliatives", comme la redirection des urgences non-vitales vers SOS Médecins.

Comme la médecine générale peine à répondre "à tous les besoins de santé de la population", les urgences se retrouvent prises dans un "étau"

Des mesures nécessaires, car l'attente fait "peur". A terme, de nombreux Sdis estiment qu'elle risque de peser sur le recrutement et la disponibilité des volontaires, majoritaires en Touraine et dans beaucoup de départements.

"Aujourd'hui se mettre d'ambulance, c'est prendre le risque d'y passer beaucoup de temps" et donc de se mettre en difficulté vis-à-vis de son employeur, résume l'officier.

"Derrière, c'est notre engagement au quotidien pour nos concitoyens qui serait mis en péril", alerte Philippe Bordelais.

A l'hôpital Trousseau, les urgences ont bien conscience du problème. "Le système de santé est en crise", faute de bras, reconnaît le chef des urgences, Pr Saïd Laribi, qui doit parfois faire face aux fermetures temporaires des urgences de Loches, Amboise ou Chinon.

Comme la médecine générale peine à répondre "à tous les besoins de santé de la population", les urgences se retrouvent prises dans un "étau", estime-t-il.

Selon le médecin, les VSAV attendent 28 minutes en moyenne, grâce notamment à une fluidification des procédures. Par exemple, un équipage bloqué prévient le régulateur, qui alerte alors le médecin référent des urgences pour libérer les pompiers.

Il faut aussi acculturer le citoyen, « il faut remettre la notion d’urgence au centre du village »

Dans le Loiret, avec d'autres outils, le Sdis tente d'éviter le problème. Selon le commandant Thomas Flamant, les pompiers parviennent tant bien que mal à "sanctuariser les moyens d'urgence", en évitant certaines interventions.

"Si l'appel n'entre pas dans nos missions directes, on transmet au Samu qui fait appel à une ambulance privée... quand il y en a", explique-t-il.

En 2021, le Sdis 45 est intervenu plus de 3 000 fois pour des carences d'ambulances privées. En 2022, le chiffre est descendu à 2 556, grâce à l'institution de gardes ambulancières par l'Agence régionale de santé.

https://www.whatsupdoc-lemag.fr/article/soins-sur-les-parkings-ambulances-coincees-avec-leur-patient-au-canada-aussi-les-urgences

Il faut aussi "acculturer le citoyen", continue le commandant : on n'appelle pas les pompiers pour une entorse si on peut se rendre chez son médecin traitant. En période de crise, "il faut remettre la notion d'urgence au centre du village."

Avec AFP

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