Déserts médicaux : les propositions de l’intersyndicale ReAGJIR

Article Article

Les déserts médicaux sont un problème majeur en santé et font l’objet de nombreux débats. Entretien avec le Dr Agathe Lechevalier, médecin généraliste et présidente du Regroupement Autonome des Généralistes Jeunes Installés et Remplaçants (ReAGJIR).

Déserts médicaux : les propositions de l’intersyndicale ReAGJIR

WUD : Quelle est la principale urgence aujourd’hui autour des déserts médicaux ?

Agathe Lechevalier : C’est une urgence que l’on aurait tous dû voir venir quand on a mis en place numerus clausus. C’était à l’époque dans une logique de réduire les dépenses de l’Assurance maladie, on pensait qu’en ayant moins de médecins, cela allait résoudre le problème du trou de la Sécu. Mais les médecins ne veulent plus de ces conditions de travail, ils ont envie d’une vie de famille, d’avoir des loisirs, de rentrer chez eux. Donc au final, la quantité médicale disponible diminue et avec le vieillissement de la population, la demande en soin augmente, et ça n’a pas été anticipé. Le rapport entre la demande et l’offre n’est plus adapté.

WUD : Quels sont les lieux les plus concernés ?

AC : C’est un problème partout ! On a tendance à penser que les zones rurales sont plus concernées mais c’est bien partout, ce n’est plus un problème de type de territoire mais d’attractivité plus globale. Hier à peine, je discutais avec un médecin qui exerce dans le 14è arrondissement de Paris, la moitié des médecins y ont plus de 60 ans, donc dans 5 ans, il va y avoir un problème. Quand on regarde la pyramide des âges, une bonne partie des médecins en exercice sont proches de la retraite.

WUD : Quelles sont vos propositions pour y remédier ?

AC : Nous avons plusieurs propositions comme par exemple démédicaliser le quotidien. Les gens sollicitent beaucoup leur médecin pour des choses qui peuvent se gérer à domicile, comme un rhume, une gastro. Il faudrait mettre en place des messages de prévention simple pour les patients. Ce sont des consultations où nous n’avons pas forcément de valeur ajoutée et nous font perdre du temps pour des cas plus complexes. Nous sommes aussi très sollicités pour des certificats médicaux, on a l’impression qu’une signatuire du médecin est un laisser-passer mais nous ne détenons pas la parole divine.

Il faut également améliorer la répartition sur le territoire. Pour cela, plutôt que contraindre, il est préférable de faire découvrir le territoire aux jeunes, favoriser la maîtrise de stage dans les zones où il y a peu de médecins et inciter les jeunes à aller sur place en proposant des logements, en facilitant l’accès à l’emploi pour le conjoint, le mode de garde. Il faut favoriser l’implantation dès les études.

WUD : Que faudrait-il pour les mettre en place ?

AC : On voudrait que les politiques viennent vers nous, en tant que jeunes médecins, on sait ce qui peut être attractif, on a des idées qu’on veut proposer. On attend que les politiques s’en saisissent et les mettent en application. Sur le terrain on fait ce qu’on peut, mais si les élus ne nous accompagnent pas, on est seuls. Nous avons besoin du soutien des collectivités et élus, aussi bien au niveau local que national.

WUD : Quelles sont les prochaines étapes pour vous ?

AC : Nous voulons rencontrer les candidats à l’élection présidentielle pour leur faire nos propositions. Beaucoup de propositions partent du constat que le problème est que les jeunes médecins ne s’installent pas, mais la réalité est différente. Nos propositions ne vont pas forcément dans le sens de ce qui est discuté actuellement, ce n’est pas le ton. Mais la coercition a déjà montré qu’elle ne fonctionnait pas, notamment en Allemagne.

Les propositions de ReAGJIR

Dans son communiqué, l'intersyndicale expose un plan d'attaque en 4 points : 

Une nouvelle échelle de prise en charge du patient

"« Aujourd’hui il faut penser collectif : c’est un ensemble de professionnels de santé qui prend en charge un ensemble de patients sur un territoire donné. Pour une meilleure prise en charge, une permanence des soins et une installation durable dans le temps. » C’est tout l’objet des Communautés Professionnelles Territoriales de Santé (CPTS) au cœur du plan « Ma Santé 2022 » qui vise à aider les professionnels de santé à mieux se structurer et coordonner autour de leurs patients."

Une démédicalisation du quotidien

"« Il faudrait apprendre aux personnes quels réflexes adopter en cas de pathologies bénignes et si une consultation est nécessaire ou non. », plaide le Dr. Agathe Lechevalier. « Prenons le cas du rhume : à part se moucher, s’hydrater et se reposer autant que possible, il n’y a rien de particulier à prescrire. ». Dans cette démédicalisation, il faudrait aussi penser à arrêter les certificats inutiles. De trop nombreux organismes demandent encore des certificats pour un oui ou un non sans justifications légales."

Un développement du travail pluriprofessionnel

"Face à la pénurie de médecins, il est plus important que jamais de développer le pluriprofessionnel, en valorisant les compétences des autres professionnels de santé comme les pharmaciens, les sage-femmes, les Infirmiers en Pratique Avancée (IPA), les kinésithérapeutes… (…) « Dans le Projet de Loi de Financement de la Sécurité Sociale 2022, une expérimentation d’accès direct à certaines professions de santé va d’ailleurs dans ce sens. Nous sommes très enthousiastes à cette idée, et impatients d’en voir les résultats. »"

Une prise en compte du profil du jeune médecin

"« Généralement un médecin s’installe dans un territoire qu’il connaît déjà, via l’externat, l’internat ou le remplacement. C’est pourquoi la meilleure solution pour attirer les jeunes dans les territoires est de le faire avant même qu’ils commencent leurs études de médecine. Il est possible ensuite d’aider les étudiants en médecine à se déplacer ou se loger pour découvrir un territoire, d’accompagner les médecins qui les accueillent pour les former, de présenter les interlocuteurs clés pour mener à bien une future installation, de faciliter l’exercice mixte (cabinet en ville et permanence en PMI par exemple)… »"

 

Les gros dossiers

+ De gros dossiers