Comme une trainée de poudre...

Article Article

Plusieurs addictologues alertent sur la hausse de la consommation de cocaïne en France.

Comme une trainée de poudre...

«Une épidémie de cocaïne ». Le Pr Amine Benyamina commente en ces termes la situation à laquelle il fait face depuis quelques années dans le service de psychiatrie et d’addictologie qu’il dirige à l’hôpital Paul Brousse de Villejuif. Comme lui, ils sont nombreux parmi les addictologues à constater une hausse de la consommation de cocaïne dans la population et donc à une augmentation du nombre de patients souffrant d’addiction. Selon l’Observatoire français des drogues et des tendances addictives (OFDT), ce sont 600 000 personnes qui consomment régulièrement ce produit et 2,2 millions qui l’ont déjà expérimenté, soit quatre fois plus qu’il y a 20 ans. La cocaïne est devenue le deuxième stupéfiant le plus consommé en France derrière le cannabis.

Baisse des prix et « démocratisation » de la cocaïne

Cette « épidémie » de cocaïne est due à une forte augmentation de la production mondiale (elle aurait doublé entre 2014 et 2019 selon le dernier rapport de l’ONU) qui a entrainé une baisse des prix. Ces dix dernières années, le prix du gramme de cocaïne en Ile-de-France est passé de 80 euros à 60 euros voire 50 euros dans les quartiers populaires. Fini le cliché tiré des années 1980 du trader ou du chef d’entreprise cocaïnomane. Cette drogue s’est « démocratisée » et n’est plus réservée à l’élite : nombreux sont ceux qui en consomment pour faire la fête ou tout simplement pour travailler, notamment dans la restauration où l’usage de cocaïne serait devenu monnaie courante.

« La cocaïne a suivi le destin naturel d’une drogue : d’abord elle circule dans des milieux  confidentiels en raison de son prix élevé, puis elle est produite en grande quantité pour subvenir à la demande, le tarif baisse, résultat tout le monde en consomme » résume le Pr Benyamina, qui explique que la qualité et la pureté de la cocaïne disponible au marché noir a augmenté ces dernières années. Les réseaux sociaux ont également facilité le trafic et les dealers organisent désormais des « call centers » qui permettent aux consommateurs d’être livrés à domicile. Le trafic international tourne lui à plein régime : la France métropolitaine est alimentée par des filières venues de Guyane et chaque année les douaniers battent leur record de saisie (2 tonnes de poudre saisie à l’aéroport d’Orly en 2020).

Une poudre pas si inoffensive

L’une des difficultés des médecins dans la lutte contre la cocaïne est que cette drogue bénéficie encore aujourd’hui dans la population d’une relative bonne image de produit « festif ». La cocaïne, stupéfiant fortement addictif, peut pourtant avoir des conséquences psychiatriques et somatiques graves. « Le risque, c’est une atteinte cardiovasculaire, neurologique, un arrêt cardiaque, c’est une drogue très addictive qui a des effets sur l’humeur » explique le Pr Benyamina. Contrairement à ce qu’il en est pour l’héroïne, il n’existe pas de produits de substitution pour la cocaïne et les addictologues se retrouvent démunis face aux fortes addictions. « On reconstruit ce qui est cassé : on traite les maladies psychiatriques, les problèmes cardiaques, on répare les cloisons nasales ». « Mais malgré toutes nos alertes, on pense encore que la cocaïne n’est pas dangereuse » conclut-il amèrement.

Nicolas Barbet

Découvrez le JIM 

Par JIM

Les gros dossiers

+ De gros dossiers