Chatbot : solution d’avenir pour les professionnels de santé ?

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Le chatbot est un agent conversationnel qui permet notamment d’automatiser des tâches répétitives tout en s’appuyant sur un mode d’interaction plus fluide et contextualisé que les canaux numériques traditionnels. Peut-on en conclure que les chatbots sont une solution d’avenir qui aidera les professionnels de santé dans l’exercice de leur profession, tout en améliorant la prise en charge des patients ? Compte-rendu d’une conférence sur le sujet, lors de l’Université d’été de la e-santé.

Chatbot : solution d’avenir pour les professionnels de santé ?

En quoi le chatbot peut aider les professionnels de santé dans l’exercice de leur profession ou améliorer la prise en charge des patients ? Comment concevoir un chatbot de santé qualitatif et performant, construit pour durer ?  Telles sont les questions auxquelles ont répondu Joséphine Arrighi de Casanova et Nathalie Lahitte, lors d’une conférence de l’Université d’été de la e-santé intitulée « Les Chatbots : une chance pour une santé durable ? ».

Membres du Lab e-Santé, un groupe de réflexion multidisciplinaire représentant l’ensemble des acteurs de l’écosystème de la santé, les deux femmes en ont profité pour publier le jour même leur livre blanc sur les chatsbots en santé (« Le futur de la santé sera t il conversationnel ») qu’il est possible de télécharger gratuitement ici. Un livre blanc décliné sous deux axes principaux.

Premièrement, un mapping sur tous les chatbot santé. Deuxièmement, des recommandations pratiques pour concevoir un chatbot en santé. Pour ceux qui ne savent pas ce qu’est un chatbot, les deux intervenants ont rappelé la définition du Petit Robert : un agent conversationnel, un robot (terme contracté en « bot ») capable de simuler une conversation (« chat » en anglais) plus ou moins simple avec un humain.

Pas forcément dopés à l’IA

« Un chatbot, c’est un outil informatique programmé pour exécuter une tâche. La particularité de ce type de programmes, c’est leur capacité à interagir en simulant une discussion », a précisé Joséphine Arrighi de Casanova, tout en rappelant que « les chatbots ne sont pas toujours dopés à l’intelligence artificielle (IA) ».

Et d’expliquer que les chatbots, qui existent depuis 1966 (le premier de l’histoire, Eliza, a été créé par le MIT en 1966), se sont vraiment développés à partir de 2016, en raison d’un « triple alignement des planètes ». Premièrement, une révolution des technologies : puissance exceptionnelle de calcul des processeurs, capacité à stocker de plus en plus de données, déploiement de l’IA et de la reconnaissance vocale….

Deuxièmement, la révolution des usages : invention du smartphone, utilisation d’internet sur mobile, explosion des applications mobiles, notamment des applis de messagerie mobiles comme WhatsApp ou Facebook… Troisième révolution : les marques ont compris l’intérêt à utiliser un agent conversationnel pour communiquer avec leurs clients.

Prendre en charge les interrogations de patients

L’une des fonctions premières du chatbot est de répondre aux questions les plus fréquentes sur un sujet donné. « C’est la raison pour laquelle il suscite un fort intérêt dans le milieu médical », souligne le livre blanc qui ajoute que « les chatbots peuvent prendre en charge les interrogations de patients qui aspirent de plus en plus à devenir acteurs et responsables de leur santé »

Pour Joséphine Arrighi de Casanova, « un chatbot au service d’une santé durable, c’est un chatbot qui saura répondre à la fois aux usages des patients et des professionnels de santé. Ce sera aussi un chatbot qui sera lui-même durable, c’est-à-dire qu’il sera bien conçu et conçu pour durer. »

Deux grandes catégories de chatbots

Selon les deux auteures du livre blanc, il existe deux grandes catégories de chatbots : « ceux qui sont destinés au patients et ceux destinés aux professionnels de santé ». La première catégorie délivre une aide ponctuelle ou un accompagnement dans la durée.
 
La deuxième correspond à des chatbots généralistes (vérificateur de symptômes, assistant personnel de santé, chatbot de triage...) ou de spécialité (santé mentale, diabète, oncologie.) Enfin, certains chatbots sont susceptibles de traiter tout type de comportements de santé : détection, dépistage, prévention primaire et secondaire, observance, cessation…

Bonnes pratiques

 Joséphine Arrighi de Casanova et Nathalie Lahitte ont ensuite donné un aperçu des bonnes pratiques qui figurent dans le livre blanc. Sous la forme de cinq points pour mettre en œuvre une méthodologie de conception :
 
- Privilégier une méthodologie de conception centrée sur l’usage : raisonner en termes de conception de service, mise en place d’une démarche de design de service…
- Se doter d’un cadre juridique : collecte de données, contraintes réglementaires spécifiques, responsabilité juridique et IA…
- Opérer les bons choix technologiques : choisir sa stratégie conversationnelle en fonction de son positionnement (chatbot fermé, ouvert, vocal…).
- Assurer la pertinence et l’efficacité du chatbot : veiller à la qualité intrinsèque de la solution, créer les conditions de la confiance, élaborer et mettre en œuvre la stratégie marketing et communication….
- Organiser la maintenance du chatbot.
 
Mais alors, les chatbots sont-ils réellement une chance pour une santé durable ? Est-ce que le futur de la santé passera par les agents conversationnels ? « Nous sommes au devant d’un  développement quantitatif et qualitatif des chatsbots », pronostique Joséphine Arrighi de Casanova. « Sur le plan qualitatif, il ya des chatbots qui se développent aussi bien au service des patients que des professionnels de santé, qu’il s’agisse de faire des expériences dans les hôpitaux, de faciliter le parcours de soins, de faire gagner du temps médical, d’optimiser la prise de décision thérapeutique ou médicamenteuse… » À l’image de Synapse Medicine ou de Posos, deux startups qui proposent des solutions autour du médicament.

Logique plus intégrative

Sur le plan qualitatif, les chatbots peuvent à terme servir deux objectifs, selon Joséphine Arrighi de Casanova. « D’une part, un meilleur service offert aux patients, avec un chatbot qui va rentrer dans une logique beaucoup plus intégrative au sein d’un véritable parcours, pour une meilleure expérience patients et une meilleure logique médico-économique. »
 
En effet, le chatbot est un outil qui permet « d’exécuter de manière automatique les tâches répétitives de la collecte d’informations, notamment dans le cadre de la pré-hospitalisation », a poursuivi Joséphine Arrighi de Casanova qui a tenu a préciser que « l’efficacité des chatbots n’a pas été scientifiquement prouvée. Mais c’est certainement une question de temps, les publications vont sans doute se multiplier. »
 
De son côté, Nathalie Lahitte a listé quatre défis que les chatbots devront relever dans les années à venir. Tout d’abord, l’acceptabilité. Ce qui revient à savoir si les gens auront envie de parler à un chatbot. Deuxième défi : la technologie, qu’il s’agisse de l’IA, mais aussi des GAFAM qui ne manqueront pas de se tailler la part du lion de ce nouveau marché.

Réduction de la fracture digitale ?

Troisième défi ? La transparence, c'est-à-dire l’idée d’établir un contrat avec l’utilisateur, de créer la confiance nécessaire, de lui dire ce que le chatbot fait et ne fait pas... Enfin, dernier défi à relever : l’éthique. « On peut en effet se demander si les chatbots vont contribuer à réduire la fracture digitale, mais aussi s’ils participeront à réduire l’isolement ou s’ils l’accentueront », s’est interrogée Nathalie Lahitte.
 
A l’issue de la conférence, Joséphine Arrighi de Casanova admettait également qu’il y avait un risque d’isolement. Tout en étant persuadé que les chatbots pourraient aussi permettre à des patients de revenir dans le parcours de soins. « C’est vrai que les chatbots peuvent isoler. Mais, dans le même temps, il ne faut surtout pas considérer le chatbot comme un outil censé remplacer l’humain. Pour moi, c’est plus un trait d’union entre deux interactions humaines pour adresser des questions que l’on a pas pu poser dans le cadre d’une consultation, ou des questions qui n’ont pas émergé, en raison par exemple de l’effet « blouse blanche » ».

Adapté à la santé mentale ?

 Et d’ajouter qu’il « arrive que des patients sortent du parcours de soins parce qu’ils n’osaient pas consulter ». Joséphine Arrighi de Casanova fait notamment allusion au secteur de la santé mentale, car « les maladies mentales sont souvent très stigmatisées. Les gens ne franchissent pas facilement la porte d’un psychologue, et encore moins d’un psychiatre ».
 
Donc, pour ce type de pathologies, les chatbots pourraient être une solution intéressante dans un futur proche. « Il a été scientifiquement prouvé que les humains se confient plus volontiers et sur des questions plus intimes à un robot qu’à un autre être humain, selon Joséphine Arrighi de Casanova. Donc, pour briser la glace dans la santé mentale, il y a des expériences très intéressantes à faire. »
 
À l’image de l’expérience française Owlie, un chatbot conçu par une psychologue. Mais aussi  de Woebot qui est notamment spécialisé dans la prévention de la dépression. « Ces expériences sont souvent basées sur les thérapies cognitivo-comportementales (TCC). Aujourd’hui, certains psychiatres conseillent même l’accompagnement de chatbots en plus de leur traitement, parce que cela peut être une aide complémentaire », a conclu Joséphine Arrighi de Casanova.
 

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