Application MonOrdo : enfin, peut être, le virage numérique attendu de la pharmacie

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[La chronique du pharmacien] Le buzz médiatique autour du concept MonOrdo a au moins le mérite de relancer la question de la digitalisation en pharmacie. Face à une profession divisée sur le sujet, les patients seront alors les seuls à valider ou non cette nouvelle approche.

Application MonOrdo : enfin, peut être, le virage numérique attendu de la pharmacie

Et si cette fois-ci c’était la bonne (idée) ? Car le sujet de la digitalisation et du virage numérique en pharmacie revient régulièrement dans l’actualité. Des projets ont déjà tenté de faire, enfin, basculer la profession vers les nouvelles technologies. Mais, le développement de la e-pharmacie peine toujours à s’imposer auprès des patients. De plus, certaines habitudes de pratique restent encore bien ancrées dans le quotidien des pharmaciens. 

Le concept MonOrdo (lire notre article MonOrdo, la pharmacie digitalisée made in France) pourrait peut-être enfin faire bouger les lignes et permettre le développement de la pharmacie version 2.0. Sur le papier, le projet a de quoi séduire. Le patient va enfin pouvoir utiliser les avantages du numérique pour la gestion de ses traitements médicamenteux. Les officines doivent également évoluer en devenant des lieux de consultation plutôt que des commerces de proximité. Un vrai changement se profile donc avec ce concept.

Mais maintenant tout reste à faire. Car le vrai décideur sera le patient que nous sommes tous au final. Sommes-nous prêts nous aussi malade chronique ou occasionnel à évoluer dans notre approche face aux médicaments ? Alors bien évidemment, le développement du e-commerce et des services en ligne ont envahi notre quotidien. Mais pour l’instant, nous sommes encore, semble-t-il, attachés à notre pharmacie physique en bas de chez nous pour aller chercher nos traitements ou demander conseil. 

Le concept de la start up toulousaine vient remettre en cause cette approche en proposant finalement une habitude de consommation devenue banale aujourd’hui : pouvoir commander un produit en ligne et aller en “pick and collect” le chercher. Sur le principe, l'idée peut sembler intéressante. La digitalisation offre également en parallèle d’autres fonctionnalités autour par exemple de l’observance des traitements. Mais, cette évolution répond-t-elle à une réelle demande des patients ou plutôt à une envie de modernisation du métier ?

Les patients français restent quand même attachés à leur traitement et à leur gestion. Médecins et pharmaciens peuvent faire ce constat quotidiennement. Le médicament est un vrai sujet de préoccupation pour les  malades et leur entourage. Bien évidemment, ce concept d’automatisation de la distribution des médicaments à des arguments en sa faveur. Le gain de temps, la sécurisation des prises, la lutte contre la iatrogénie sont autant de points positifs pour cette approche. Le recentrage des officines vers une activité de santé (et non pas de commerçant) constitue également une vision pertinente dans un contexte de multiplication des enseignes “drug store”.

Mais, au final, tout cela n’est-il pas une première marche vers l’arrivée du service Amazon Pharmacy ? Dans une précédente chronique, je décrivais les ambitions du géant de l’e-commerce sur le secteur des médicaments. Déjà en place aux États-Unis, ce service offre toute l’expérience d’Amazon pour livrer les médicaments des patients directement à domicile. Quand on regarde de plus près, l’application MonOrdo ne semble être qu’une copie du service américain adapté à la France. 

On peut alors se demander comment va réagir la firme de Seattle. Jusqu'alors, Amazon se heurtait à des obstacles réglementaires et des lobbies bloquant ses envies de conquête du marché de la pharmacie. L’arrivée de la startup toulousaine pourrait bien faciliter l’ouverture du cadenas réglementaire. Et je ne suis pas sûr que le concept made in France puisse résister bien longtemps à la machine de guerre américaine.

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