Allô Docteur ? C’est le Docteur

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Une ligne d’appel destinée aux médecins et internes

Allô Docteur ? C’est le Docteur

Le Conseil National de l’Ordre des Médecins (CNOM) et l’Association d’Aide Professionnelle aux Médecins et Soignants (AAPMS) ont lancé, le 1er janvier, une plateforme d’appel nationale pour les soignants en détresse. Des psychologues sont à l’écoute au 0826 000 401.

Le tabou est levé. Pendant longtemps, le mal-être des internes et des médecins ne s’exprimait pas. Sinon par des manifestations dénonçant les conditions de travail, ou des suicides de praticiens dont le scandale était confiné dans les petites communes où ils exerçaient. Sans plus. Personne ne parlait de dépression.

Heureusement, la donne a changé. Les pouvoirs publics, et le corps médical lui-même, ont enfin accepté l’idée que des médecins pouvaient, comme tout le monde, être victime d’un mal-être psychologique. Et pour y répondre, le CNOM et l’AAPMS ont décidé de mettre en place une ligne téléphonique (0826 000 401) destinée aux médecins et aux internes, qui pourront y trouver un soutien moral, voire plus.

Un numéro unique

Fin 2016, la stratégie nationale d’amélioration de la qualité de vie au travail présentée par Marisol Touraine prévoyait « d’assurer à chaque professionnel l’accès à un dispositif d’écoute pour un soutien psychologique ». Cette aide était déjà disponible pour les libéraux, via l’AAPML, mais les ressources étaient trop éclatées ou confidentielles pour être totalement efficaces.

Depuis le 1er janvier 2018, la plateforme unique est mise en service et accessible 7 jours sur 7, 24 heures sur 24. En appelant ce numéro, les soignants seront orientés vers le Conseil départemental de l’Ordre, le service entraide du CNOM, une association ou un établissement signataire de la Charte d’entraide.

Des psychologues formés par l’AAPMS répondent aux appels des médecins ou internes, dans le strict respect du secret professionnel.

Les médecins ne tombent pas malades

« Maintenant que je sais que ça existe, je n’hésiterai pas à y faire appel », affirme Marie*, généraliste de 33 ans, qui aurait aimé l’avoir à disposition il y a quelques années. Lors de ses derniers semestres d’internat, la jeune interne en stage aux Urgences d’un grand hôpital parisien a craqué. Épuisée, confrontée à des cas compliqués, et mère d’une petite fille qui est tombée malade, tout s’est compliqué rapidement.

Heureusement, son chef de service, compréhensif, a adapté son stage pour lui permettre de souffler. Mais ce n’est pas toujours le cas. « Il y a beaucoup de pression », explique Marie. « Il faut être performant, et on ne doit pas montrer qu’on est fragile. Il y a eu, en plus, la pression des autres internes qui n’ont pas compris que mes gardes aient pu être allégées ».

« On n’en parle pas, alors que nous sommes tous touchés », estime-t-elle, reconnaissant néanmoins que les mentalités commencent à changer sur le sujet. Marie a eu plus de chance que certains. Elle a pu s’en sortir grâce à son compagnon, son chef de service et un soutien psychologique qu’elle a pu trouver auprès de sa fac. Mais la plateforme unique d’appel simplifie la démarche intellectuelle, pas toujours évidente, pour demander de l’aide.

Un jeune médecin sur quatre déprimé

« L’entraide est l’une des missions constitutives de l’Ordre des médecins », rappelle le président du CNOM, Patrick Bouet, dans un communiqué accompagnant le lancement de la plateforme. « Elle permet d’apporter une aide confraternelle à des médecins en difficulté ou à leurs familles, et doit être entendue au sens large : outre l’attribution de secours financiers, elle comprend un soutien psychologique, organisationnel et juridique, un accompagnement professionnel et social, mais aussi une facilitation d’accès aux soins ».

La santé des soignants préoccupe, et il était temps ! Une enquête menée par plusieurs syndicats et associations, parue en juin 2017, avait révélé des chiffres inquiétants. Deux tiers des plus de 20 000 médecins et internes qui ont répondu souffrent d’anxiété, 28 % de dépression et près d’un quart ont eu des idées suicidaires, dont 6 % dans le mois précédant l’enquête.

(*) Le prénom a été modifié. 

Source:

Jonathan Herchkovitch

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