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L’ex-anesthésiste de 53 ans est soupçonné d’avoir frelaté des poches de produits anesthésiants de patients âgés de quatre à 89 ans afin de provoquer un arrêt cardiaque, dans deux établissements de Besançon.
Son mobile présumé pour ces actes survenus entre 2008 et 2017 : nuire à des collègues avec lesquels il était en conflit, pour des questions d’ego ou d’argent.
Jamais incarcéré pendant l’instruction, il comparaît libre devant la cour d’assises du Doubs, mais encourt la réclusion à perpétuité.
« On est là pour savoir s’il y a des preuves » de la culpabilité de Frédéric Péchier, observe auprès de l’AFP son avocat Randall Schwerdorffer, qui réclame l’acquittement. Or, « depuis un mois, pour l’instant, cette preuve n’y est pas », souligne-t-il.
« Personne ne m’a vu faire »
Depuis le début le 8 septembre de ce procès d’une rare complexité, qui a vu défiler à la barre des victimes ou des proches, d’anciens collègues, des enquêteurs et experts, le Dr Péchier a subi deux longs interrogatoires.
De nouveau interrogé aujourd’hui, à propos de trois arrêts cardiaques en 2009 à la Polyclinique de Franche-Comté survenus alors qu’il était absent dans deux cas sur trois, il a contesté tout acte de malveillance, jugeant « hallucinante » l’expertise de médecins selon laquelle les poches de perfusion ont pu être polluées à l’avance.
« L’expérience de l’enquêteur filmée et diffusée à l’audience » a montré que cela était possible, lui fait remarquer la présidente de la cour, Delphine Thibierge. Ce après quoi l’accusé a insisté : « Je vous le dis, ce n’est pas possible ».
Les vingt-sept autres empoisonnements présumés ont eu lieu dans un autre établissement de Besançon, la clinique Saint-Vincent, et le fait que Frédéric Péchier soit le seul soignant à avoir exercé dans les deux établissements au moment des cas suspects est l’une des clefs de voûte de l’accusation.
Jusqu’ici, il s’est posé en bouc émissaire, désignant un collègue anesthésiste, le Dr Sylvain Serri, comme l’éventuel empoisonneur.
L’empoisonnement de Sandra Simard le 11 janvier 2017, qui avait lancé l’enquête, puis celui de Jean-Claude Gandon neuf jours plus tard, avaient plongé la clinique dans l’angoisse. Tous deux ont survécu.
Les policiers ont interpellé Frédéric Péchier en mars 2017. Plus aucun arrêt cardiaque suspect ne s’est produit depuis.
Aux assises, l’ancien anesthésiste est apparu fragilisé par des revirements.
Après avoir contesté, tout au long de l’instruction, l’idée même que les arrêts cardiaques suspects étaient dus à des empoisonnements, les attribuant à des erreurs médicales ou des fragilités des patients, il a fini par en reconnaître devant la cour, dans trois des quatre premiers cas examinés. Tout en maintenant qu’il n’était pas l’empoisonneur.
Le 22 septembre, malmené par l’avocate générale, il répète qu’il « n’a jamais pollué la poche de Madame Simard », avant d’ajouter : « Personne ne m’a vu faire ». Une forme d’aveu, selon les avocats de parties civiles.
Pour les victimes, c'est « la bonne personne dans le box »
« Pour nous, cela ne fait aucun doute que c’est la bonne personne qui est dans le box », déclare à l’AFP Frédéric Berna, avocat de nombreuses parties civiles.
Placé face à certaines contradictions, Frédéric Péchier a souvent réagi avec arrogance, invitant la cour à réinterroger « correctement » les gens concernés ou la présidente à « relire le dossier », ce qui ne le rend pas forcément sympathique aux yeux du jury.
Il a en outre manifesté peu d’émotion, contrairement aux autres soignants qui ont témoigné, tous profondément touchés par les arrêts cardiaques ou les décès de leurs patients.
L’ancien anesthésiste a assuré ne pas rester insensible, se disant « très marqué par le passage à la barre des filles » de Damien Iehlen, mort en 2008 à 53 ans, premier décès dans le dossier d’accusation.
En larmes, sa fille Amandine a raconté avoir traversé une dépression et « bousillé sa vie de couple » après le décès de son père.
https://www.whatsupdoc-lemag.fr/article/je-suis-une-rescapee-de-laffaire-pechier
Bénédicte Boussard, qui avait 41 ans lorsqu’elle a subi un arrêt cardiaque en cours d’anesthésie en avril 2009, n’imagine pas l’accusé avouer. « Je pense que c’est enfoui au plus profond de lui-même et que ça ne sortira jamais ».
Le verdict est attendu le 19 décembre.
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