Accoucher les mères par téléphone, refuser d’augmenter sa patientèle... La réalité des déserts médicaux

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Une sage-femme forme les pompiers à pratiquer des accouchements en bord de route, un retraité cherche en vain depuis plus de trois mois un médecin pour son épouse malade : la désertification médicale sévit dans le Lot, comme ailleurs en France.

Accoucher les mères par téléphone, refuser d’augmenter sa patientèle... La réalité des déserts médicaux

"Quand je suis arrivée dans le Lot, en 1996, il y avait plusieurs maternités. En 2009, il n'en restait plus qu'une", déplore Nathalie Charbonnier, sage-femme dans l'un de ces déserts médicaux, thème important de la campagne présidentielle.

"L'angoisse des patientes enceintes montait parce qu'elles étaient à une heure de route de la maternité", a-t-elle raconté à l'AFP.

De plus en plus sollicitée par de futures mères inquiètes, elle a commencé à travailler avec des consœurs en 2015 pour aider les pompiers à gérer les naissances en urgence.

Depuis, "tout pompier qui rentre dans le Lot est formé à la prise en charge d'un accouchement, de la dame qui vient d'accoucher et du nouveau-né".

« Si je suis trop loin de la patiente qui est en train d’accoucher, je peux l’accompagner par téléphone »

Ces sages-femmes interviennent aussi directement ou à distance en cas d'accouchement inopiné, par exemple dans une voiture.

"Si je suis trop loin géographiquement de la patiente qui est en train d'accoucher, je peux l'accompagner par téléphone. Une fois, j'ai guidé le papa alors que sa femme accouchait. Je lui ai expliqué ce qu'il y avait à faire en attendant que les pompiers le rejoignent sur la route."

"C'est très rassurant pour les équipes aussi de savoir qu'elles ont une sage-femme à leur disposition, même si elle est éloignée."

D'autant que ces professionnelles de santé sont de moins en moins nombreuses dans le Lot. "Nous ne sommes plus que quatre dans le nord du département", où se trouve la caserne de pompiers de Latronquière, pour laquelle travaille Nathalie Charbonnier.

Et "la situation devient préoccupante", alors que la suspension de professionnels non vaccinés a accentué la pénurie.

Dans ce même département rural du Sud-Ouest, Philippe Dumont, 70 ans, cherche en vain depuis trois mois un médecin traitant pour lui et surtout sa femme Véronique, 66 ans, atteinte de deux cancers.

Sa quête l'a mené jusqu'à 60 kilomètres autour de leur village de Gigouzac. Mais il n'a essuyé que des refus.

"La galère" a commencé en octobre, se souvient-t-il, lorsqu'ils essaient de prendre rendez-vous avec leur généraliste à Cahors, à une trentaine de minutes de route de chez eux.

"Un message laconique nous apprend que ce radical antivax, par ailleurs très compétent, a été suspendu par l'ARS."

Depuis, les refus des autres médecins s’accumulent. "Quelle que soit la façon dont on s'y prenne, par téléphone ou par Doctolib, la réponse est toujours la même : on ne prend plus de patients"!

« La CPAM m’a dit de nous pointer en salle d’attente, les médecins ne peuvent pas refuser de nous voir »

"Sûrement pas découragé", Philippe Dumont contacte l'Agence régionale de santé (ARS), la Caisse d'assurance maladie (CPAM) et l'Ordre des médecins.

"L'ARS n'a aucun moyen, elle renvoie vers la CPAM ; le conseil de l'Ordre renvoie aussi vers la CPAM ; laquelle CPAM n'a pas de solution. Elle m'a dit de nous pointer dans des salles d'attente sous le prétexte que les médecins ne peuvent pas refuser de nous voir."

"C'est la fonction du médecin traitant : être capable de diagnostiquer à partir de ce qu'il sait de la personne et de ce qu'elle a vécu", estime ce septuagénaire.

Cela lui semble en outre difficile de "raconter, après avoir attendu trois heures, toute sa vie médicale à quelqu'un qu'on n'a jamais vu, et espérer un diagnostic et un traitement humains".

Dans ce contexte, le couple envisage de déménager près de Toulouse, à 130 kilomètres de là, où Véronique Dumont est suivie par un oncologue.

C'est déjà dans cette ville qu'ils vont "voir, après avoir pris rendez-vous six mois plus tôt, l'ophtalmo ou les autres spécialistes qui ont déserté le Lot".

"Mais ce serait dommage de devoir partir, parce qu'on aime bien notre maison et notre région", regrette cet homme.

Avec AFP

 

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