Violences à l’hôpital : « Personne ne doit rester seul avec son traumatisme »

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Le point de vue d’une psychologue clinicienne

Violences à l’hôpital : « Personne ne doit rester seul avec son traumatisme »

La violence à l’encontre des soignants augmente, et les établissements s’organisent pour y faire face. Dominique Reydellet, psychologue aux urgences et membre de l’observatoire local des situations de violence de l’hôpital Édouard Herriot à Lyon, nous explique comment.

 

What’s up Doc. D’après le dernier rapport de l'Observatoire national des violences en milieu de santé (ONVS), les soignants déclarent de plus en plus de violences physiques commises contre eux. Cela corrobore-t-il votre expérience personnelle ?

Dominique Reydellet. La violence augmentant dans la société, il est indéniable qu’elle est de plus en plus présente au quotidien à l’hôpital. Travaillant dans le service de psychiatrie des urgences, je suis confrontée à la violence en direct : insultes, gestes menaçants, coups…

WUD. Comment êtes-vous impliquée sur cette thématique ?

DR. Je fais partie de l’observatoire des situations de violence à Edouard Herriot. Ce groupe, qui réunit des représentants des diverses fonctions hospitalières, se réunit pour étudier les déclarations de situations de violence effectuées par le personnel. Son but est d’améliorer les aides proposées aux collègues en difficulté ou en souffrance. Ce travail permet aussi d’analyser ce qui se passe dans les points chauds de l’établissement et de tenter d’y remédier.

WUD. Quel type d’action cet observatoire peut-il entreprendre ?

DR. Quand une situation de violence est déclarée, nous nous interrogeons aussi sur les facteurs qui peuvent avoir contribué à la faire survenir : un manque d’effectif, des portes mal fermées… Mais il faut surtout se souvenir que la personne qui déclare un incident est en difficulté, en souffrance. L’hôpital, son employeur, est là pour lui apporter une assistance : soutien de la direction, aide juridique, médicale, parfois psychologique… Il ne faut pas laisser seul quelqu’un qui est blessé physiquement, cela va de soi, mais aussi quelqu’un qui est blessé psychiquement.

WUD. Faut-il recommander aux soignants victimes de déposer plainte ?

DR. Oui, surtout pour les incidents graves, comme les coups ou les menaces de mort. Il faut à ce sujet souligner que c’est la victime qui dépose plainte, et non l’hôpital. Celui-ci ne peut le faire que pour des biens matériels.

WUD. L’ONVS remarque que les soignants de déclarent pas systématiquement les incidents. Pourquoi cette réticence ?

DR. il y a mille et une raisons… Il y a ceux qui ont peur des représailles, ou encore ceux qui sont tellement habitués aux incidents qu’ils ne les déclarent plus. D’autres ne sont pas encore suffisamment au courant des procédures…

WUD. Que pourrait-on faire pour améliorer encore la prise en charge des victimes ?

DR. Je ne peux parler que de ce que nous tentons de faire à Édouard Herriot. Nous essayons de proposer une aide adaptée à la personne et à la situation. Récemment, nous avons par exemple désigné des membres de l’observatoire pour joindre directement au téléphone les personnes ayant subi les violences les plus graves, et prendre de leurs nouvelles. L’idée est d’aller vers une réponse encore plus personnalisée et de faire en sorte que la victime ne reste pas seule avec sa situation de violence, son traumatisme.

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Propos recueillis par Adrien Renaud

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