Une psychiatre en lutte contre le changement climatique

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Son arme : la géopolitique

Une psychiatre en lutte contre le changement climatique

Anne Sénéquier est psychiatre et partage son temps entre un cabinet libéral à Paris et un poste de référente psychiatrie chez MSF. Mais elle co-dirige aussi l’Observatoire de la santé mondiale de l’Institut des relations internationales et stratégiques (Iris), et a récemment écrit un article sur les liens entre santé et changement climatique dans la revue de ce dernier. Interview.

What’s up Doc. Comment la psychiatre que vous êtes s’est-elle retrouvée à faire de la géopolitique à l’Iris ?

Anne Sénéquier. J’ai fini mon internat de psychiatrie en partant six mois pour MSF. Cela m’a beaucoup plu, et quand je suis revenue en France, j’ai voulu continuer dans cette voie : je pouvais soit faire un master classique en santé publique et épidémiologie, soit m’orienter vers les questions internationales avec l’Iris. C’est ce que j’ai choisi. J’ai ensuite travaillé pour Action contre la faim (ACF), puis de nouveau pour MSF. Mais j’avais trouvé que les six heures de module sur la santé que j’avais eues à l’Iris étaient largement insuffisantes. Je leur ai donc proposé de monter l’Observatoire de la santé mondiale.

WUD. Que fait cet observatoire ?

AS. L’idée est de savoir comment on pense les sujets liés à la santé à l’extérieur de nos frontières. On a trop souvent tendance à considérer que l’Europe, c’est la vie. Nous voudrions sortir de cette vision parcellaire des choses en publiant des articles, des interviews, et nous comptons aussi organiser des conférences.

WUD. Parmi les sujets que traite l’Observatoire, il y a le lien entre changement climatique et santé. Comment en êtes-vous venue à vous intéresser à ces questions ?

AS. Sans être militante, j’ai des prédispositions pour tout ce qui est « vert ». C’est aussi lié à mon éducation : quand j’étais petite, mon père nous faisait ramasser les plastiques sur le bord du chemin qui menait chez nous ! Mais le plus important, c’est pour moi la problématique des déterminants : comprendre comment des choses qui n’ont a priori rien à voir avec la santé peuvent avoir des impacts en santé publique.

WUD. Le changement climatique serait donc un exemple de ces déterminants ?

AS. Oui. Quand on parle de changement climatique, en général, on veut sauver la terre, l’environnement, les abeilles… C’est bien, mais la terre s’en sortira… peut-être sans nous. Car le réchauffement pose des problèmes liés à la santé humaine, et nous n’avons pas les ressources nécessaires pour nous adapter.

WUD. Lutter contre le réchauffement permettrait donc d’améliorer la santé des populations…

AS. En quelque sorte. Mais attention : cela dépend des mesures. Avoir un véhicule électrique, par exemple, c’est bien, mais c’est tout notre mode de vie qu’il faut changer. Marcher plus, faire du vélo est tout aussi bon pour la planète, et en plus, cela permet d’avoir des effets en termes de santé publique. C’est pourquoi il faut promouvoir des politiques transversales, arrêter d’avoir des prises en charge où l’on ne s’occupe que de pneumo, de psy…

WUD. Pensez-vous que vos confrères sont prêts à prendre ce tournant ?

AS. Je ne le pense pas. J’ai fait mes études il y a une dizaine d’années, et on ne m’y a jamais parlé d’environnement. Il faudrait que cela fasse partie de la formation initiale et continue des médecins.

WUD. Un bon début pour ceux qui sont motivés serait de lire les publications de votre observatoire ?

AS. Oui, ce serait bien (rires). Mais je sais que le temps manque souvent aux médecins.

Source:

Adrien Renaud

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