
© DR
Il aurait voulu que le « sacrifice de ses filles », tuées par un obus israélien en 2009, soit « le dernier ». Ce gynécologue obstétricien, militant infatigable de la paix, partisan de toujours de la coexistence entre Israéliens et Palestiniens, défend cette cause dans le film Un médecin pour la paix, réalisé par la réalisatrice franco-américaine Tal Barda.
En janvier 2009, dans les derniers jours de l'opération dite « Plomb Durci », trois de ses filles et sa nièce sont tuées par un obus tiré par un char israélien sur son immeuble. Depuis, le premier médecin palestinien à avoir eu le droit d'exercer dans un hôpital israélien demande sans relâche la justice pour ses filles.
Le documentaire débute en 2019 et se termine en 2021. « Je voulais filmer ce qui se passe à Gaza, à travers la vie de ce médecin. Mais depuis le 7 octobre, c'est plus difficile pour moi de le montrer », concède Tal Barda, qui a grandi à Jérusalem.
Encore plus nécessaire depuis le 7 octobre
La réalisatrice a envisagé de « laisser tomber le film », en décalage avec la réalité. « L'idée de ce film, c'est d'avoir de la compassion pour un Palestinien et aujourd'hui c'est très difficile de demander ça, car chacun est dans son coin de tragédie. Le public en Israël n'en est pas là ». Quant aux Palestiniens, « comment leur demander de ne pas nous haïr ? », dit la documentariste, toujours résidente dans l'État hébreu.
Pour Izzeldin Abuelaish, né dans le camp de réfugiés de Jabaliya, exilé à Toronto depuis 2011 et nommé à plusieurs reprises pour le prix Nobel de la paix, le film devait voir le jour « parce qu'il est encore plus nécessaire aujourd'hui » qu'avant l'attaque du Hamas, menée le 7 octobre 2023.
« C'est au moment le plus difficile qu'il faut essayer de changer quelque chose, sinon on continuera de tomber sans jamais s'arrêter », acquiesce Tal Barda.
Dans un entretien accordé à l'AFP, le médecin obstétricien fustige le gouvernement israélien, qu'il juge d'extrême-droite et t « destructeur », mais aussi l'Occident.
« Quand la Russie occupe l'Ukraine, on prend des sanctions, on dit que Poutine est un criminel de guerre, mais contre Benjamin Netanyahu et Yoav Gallant, que fait l'Occident pour stopper la guerre ? Il fournit des armes », accuse-t-il.
La Palestine « déménage avec moi »
Tal Barda estime aussi que le Premier ministre israélien « a utilisé le 7 octobre pour entrer en guerre à Gaza et s'assurer de rester au pouvoir ».
« Tous les Israéliens ne pensent pas comme lui, il y a plein de protestations dans les rues mais c'est le gouvernement qui décide. En réalité, ça ne se joue pas entre nous et les Palestiniens, nous sommes juste des poupées dans les mains de grandes forces comme les États-Unis ou l'Iran », dit-elle.
« Nous avons besoin que les instances internationales fonctionnent, la loi doit protéger les faibles des forts », confirme Izzeldin Abuelaish.
Il « sourit » à l'idée de Donald Trump de « nettoyer la bande de Gaza ». « La nettoyer de quoi ? Les Palestiniens sont enracinés, personne ne peut nous effacer. Laissez-le parler. Comme tous les Palestiniens, la Palestine est dans mon cœur, mon âme, elle déménage avec moi, il ne me l'enlèvera pas du cœur. »
Il défend sans relâche une « voie alternative » à celle de la « solution militaire » appliquée par l'État hébreu à de multiples reprises ces dernières années. « Combien de fois faut-il pour comprendre ? Israël est-il plus en sécurité aujourd'hui ? »
Avec AFP