« Ubérisation » de la santé : le rappel à l’Ordre du CNOM

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Jacques Lucas dévoile les propositions ordinales sur la télémédecine

« Ubérisation » de la santé : le rappel à l’Ordre du CNOM

L’Ordre a présenté hier un rapport dans lequel il expose ses solutions pour développer la télémédecine tout en évitant ce qu’il appelle une « ubérisation des prestations médicales ». Détail des préconisations avec le coordonnateur de ce travail : le Dr Jacques Lucas, vice-président du Conseil National de l’Ordre des Médecins chargé des questions numériques.

 

What’s Up Doc : Quelles sont les causes de la « vitrification » de la télémédecine que dénonce votre rapport ?

Jacques Lucas : Aujourd’hui, un médecin qui souhaite mettre en œuvre un projet de télémédecine doit entrer dans un long et lourd processus de contractualisation avec l’Agence régionale de santé (ARS). Cela pouvait se justifier il y a encore quelques années, mais la télémédecine a maintenant atteint un degré de maturité qui rend selon nous ce processus de contractualisation inadapté. D’autre part, les actes de télémédecine ne figurent pas dans la Classification commune des actes médicaux (CCAM). Tant qu’il n’y aura pas de tarif ou de dotation financière, il n’y aura pas de déploiement de la télémédecine.

WUD : En miroir, le rapport pointe du doigt le développement d’une offre marchande de téléconseil personnalisée qui fait craindre une « ubérisation » de la santé, et dont le désormais fameux site deuxiemeavis.fr est le symbole…

JL : Ces sociétés appellent leurs services des « téléconseils personnalisés », ce qui les exonère notamment de l’obligation de contractualiser avec l’ARS. Mais c’est un artifice sémantique. Entre le téléconseil et la téléconsultation, il n’y a aucune différence. Dire que le téléconseil n’implique ni examen ni prescription n’est pas recevable : un médecin du 15 pratique la télémédecine, et pourtant il ne pratique pas d’examen. Une consultation physique ne se termine pas forcément par une ordonnance et pourtant, c’est une consultation. Le secteur du téléconseil doit donc être régulé. On ne peut pas faire peser les contraintes réglementaires qui aboutissent à vitrifier la télémédecine dans le système du parcours de soins d’un côté, et laisser prospérer un secteur à vocation marchande de l’autre.

WUD : Que propose l’Ordre ?

JL : Nous n’avons aucune compétence sur les plans réglementaire ou juridique sur les sociétés. Ce n’est pas parce que l’Ordre fera un communiqué rageur que le droit va évoluer. Nous voulons que la puissance publique se prononce.

WUD : Le problème, c’est que la loi de santé est passée. Comment les changements que vous appelez de vos vœux peuvent-ils advenir ?

JL : Ces changements ne relèvent pas de la loi mais de deux décrets en Conseil d’Etat : le décret télémédecine et le décret portant code de déontologie médicale. Un groupe de concertation du ministère de la santé est d’ailleurs déjà à l’œuvre sur le sujet. Mais il est nécessaire d’accélérer ses travaux.

WUD : Et concernant l’aspect tarifaire ?

JL : Il se trouve que des négociations conventionnelles vont s’ouvrir. C’est d’ailleurs bien pour cela que le rapport sort maintenant. Le sujet de la tarification y sera-t-il abordé ? Nous donnons du grain à moudre aux participants : il faut que la consultation téléphonique puisse être prise en charge. L’ordre n’est pas dans l’abstraction d’un concept !

Source:

Adrien Renaud

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