Trottinette : les nouvelles règles parisiennes suffiront-elles pour faire baisser le nombre d’accidents ?

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Ce n’est pas l’interdiction que certains attendaient. Menacés cependant d’une telle mesure en raison des très nombreuses infractions constatées, les trois gérants de location de trottinette électrique à Paris ont mis en œuvre plusieurs changements, mis en œuvre le 28 novembre.

Trottinette : les nouvelles règles parisiennes suffiront-elles pour faire baisser le nombre d’accidents ?

Vive la trott' en sécurité !

© IStock

Objectif : diminuer les accidents provoqués par ces engins de déplacement personnel motorisés (EDP). Entre 2019 et 2021, le nombre d’accidents mortels d’utilisateurs de ce type de véhicule est passé de 10 à 24, tandis que 1 360 blessés ont été recensés en 2021 (par la Sécurité routière, ce qui n’est pas une donnée complètement exhaustive puisque tous les accidents non mortels ne sont pas déclarés).

Des enfants et des adolescents de plus en plus fréquemment blessés en utilisant des EDP
 

Depuis le lundi 28 novembre, toutes les trottinettes parisiennes sont dotées d’une plaque d’immatriculation. Cette dernière permettra donc de faciliter la verbalisation des différentes infractions (circulation sur les trottoirs, présence de deux personnes sur la plateforme, dépassement des 20km/h, passage au feu rouge, non port d’équipement rétroréfléchissant…).

En cas de verbalisation, les abonnés sanctionnés ne pourront plus utiliser les applications de réservation de trottinette. Par ailleurs, pour pouvoir débloquer un de ces engins, il faudra scanner sa pièce d’identité afin de prouver sa majorité : alors que jusqu’à présent une simple déclaration sur l’honneur suffisait. Cette attention particulière aux utilisateurs les plus jeunes est en lien direct avec le profil des accidentés.

Dans son dernier rapport, l’Observatoire de la sécurité routière confirmait, concernant tant les enfants de 0 à 13 ans que les adolescents de 14 à 17 ans, que « les blessés en EDP (trottinette) motorisé ou non augmentent significativement en agglomération ».

A quand le casque obligatoire ?
 

Pour certains observateurs, ces mesures ne sont pas considérées comme suffisantes et ne devraient pas se limiter à Paris. Même si la capitale est de loin la plus concernée (notamment par les accidents mortels), de nombreuses autres villes, y compris de petite taille sont aussi touchées. Ainsi, le Télégramme de Brest rapporte dans ses colonnes comment un utilisateur de trottinette électrique s’est tué à Comblessac en Ille-et-Vilaine ce lundi.

Par ailleurs, le fait que ces mesures soient le fait de la volonté des responsables de la location affaiblit leur force juridique. Aussi, sans aller jusqu’à l’interdiction forcément liberticide, une partie des observateurs impliqués espère des autorités (pas seulement municipales mais également nationales) qu’elles imposent le port du casque aux conducteurs d’EDP, ainsi qu’aux cyclistes. Les traumatismes crâniens sont fréquents en trottinette : selon une étude réalisée aux Etats-Unis en 2018, près de la moitié des accidentés recensés pendant la période de l’enquête ont souffert d’une blessure à la tête et 15 % ont été victimes d’un traumatisme crânien.

Quand on roule, quand on marche, quand on trottine : on ne smartphone pas !
 

Le rappel par ailleurs de la réservation des trottoirs aux piétons était attendu du Conseil national de la sécurité routière (CNSR) qui a présenté hier au gouvernement neuf nouvelles recommandations (2 piétons ont été tués en 2021 dans un accident impliquant un EDP). Si on ne retrouve pas dans le texte publié sur le site du ministère de l’Intérieur la préconisation claire de voir le trottoir « défini légalement comme étant une partie de la voie publique réservée à la circulation et à l’usage du piéton », plusieurs des pistes du CNSR peuvent concerner la trottinette.

Le CNSR insiste notamment sur « L’indispensable reconnaissance des blessés. Toutes les conséquences d’un accident corporel doivent être visibles du grand public et de la sphère médiatique. Or les données relatives aux blessés de la route et de la rue (65 000 blessés graves chaque année) ne percent pas, occultant ainsi la réalité de l’impact individuel et collectif pour les victimes et leurs proches », un constat qui fait écho aux 1 360 personnes blessées dans un accident impliquant un EDP.

Par ailleurs, le CNSR insiste concernant les téléphones portables : « L’usage du téléphone crée un surrisque lié à son fort effet distracteur. La dangerosité existe indifféremment du mode d’usage (tenu en main avec utilisation des écrans smartphone ou vocal, ou main libre) et du mode de déplacement (voitures, deux-roues motorisés, vélos et même piétons) car son usage entraîne « une compétition d’attention » par phénomène de double tâche. Le téléphone est impliqué dans 10 % des accidents corporels. Une information claire et objective doit être délivrée autour d’un message fort de non utilisation du téléphone lorsqu’on se déplace sur une voie de circulation. L’aide à l’auto-régulation de l’usage du téléphone doit être promue et la technologie mise à contribution pour proposer des possibilités de déconnexion automatiques ou volontaires en action de conduite. Des moyens de « contrôle-sanction » doivent être développés pour lutter contre les plus récalcitrants, car le nombre des infractions relevées reste à un faible niveau au regard du non-respect des règles ».
Là encore, il n'est pas rare de voir des utilisateurs de trottinette électrique filmer ou commenter leur chevauchée grâce à leur téléphone portable.

Système Sûr
 

Enfin, le CNSR plaide d’une manière générale pour l’adoption en France du « Système Sûr pour la sécurité routière [qui] part du principe que l'usager est faillible et vulnérable et que pour limiter la survenance d’accidents et leur gravité, le système de gestion des risques doit pouvoir s’appuyer à la fois sur une régulation adaptée des vitesses et sur une organisation intégrée des différents niveaux d’intervention permettant des protections multiples en cas de défaillance. (…) Alors que les chiffres de l'insécurité routière ne baissent plus de manière significative, l'approche de Système Sûr peut proposer un cadre fédérateur pour aider les acteurs à se mobiliser et impulser un nouvel élan pour faire face aux mutations de nos déplacements ».

Une nouvelle spécialisation orthopédique
 

Qu’il s’agisse des autorégulations des gérants de trottinette ou d’une impulsion politique plus large (encore attendue), il est à espérer qu’elles permettront une véritable prise de conscience chez les utilisateurs de trottinette. En effet, outre les 24 décès déplorés chez des conducteurs d’EDP, les nombreuses blessures représentent désormais une activité importante pour les chirurgiens orthopédistes des grandes villes.
https://www.whatsupdoc-lemag.fr/diaporama/je-suis-un-dessinateur-qui-aurait-adore-faire-medecine-la-jai-voulu-aborder-labsurdie-les
« Cette semaine, j'ai opéré deux fractures de la main, deux fractures du poignet : quatre patients après des chutes à trottinettes », explique par exemple le Dr Olivier Hérisson, chirurgien orthopédiste pour un service d'urgences de la main et du membre supérieur qui opère près de 300 accidentés de trottinettes électriques par an, dont un quart de mineurs. « Cette traumatologie peut être évitée facilement et réorientée vers des centres spécialisés pour éviter d'engorger les services d'urgences qui ont d'autres priorités » remarque-t-il interrogé par RMC.

Par Aurélie Haroche
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