Toute première foi

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Critique de "Premières urgences", de Eric Guéret (sortie le 16 novembre 2022)

Toute première foi

Eric Guéret suit au jour le jour cinq internes de premier semestre tout au long de leur stage au service des urgences de l'hôpital Delafontaine. Un docu efficace, avant tout destiné à un public non soignant. 

"Premières Urgences" paraît sur nos (rares) écrans le jour où, coïncidence, ceux qui sont au coeur de ce documentaire battent le pavé. C'est dire si donner de la visibilité à la fonction de l'interne, à la difficulté de sa tâche ainsi que de son double statut, à la fois étudiant et professionnel, est important actuellement. En ce sens, ce documentaire le permet, de façon assez juste, et sous un angle très humain.

Le film est présenté ainsi par ses distributeurs: "Amin, Evan, Hélène, Lucie et Mélissa sont étudiants en médecine. (...) Leur vocation résistera-t-elle à la réalité de l'hôpital qu'ils vont devoir affronter ?" C'est donc sur un enjeu quasi-scénaristique qu'on imagine qu'il sera construit. Cinq héros que l'on suivra et qui, confrontés à de multiples obstacles, verront leur projet remis en question, ou du moins évoluer. C'est probablement parce qu'au final, le parti pris du réalisateur n'est pas si net que cela, la narration centrée beaucoup plus sur le fonctionnement du service que sur le réel parcours de ces cinq internes, certains laissés quasiment dans l'ombre, que le film n'est pas totalement emballant, souffrant de certaines comparaisons. "Hippocrate" est passé par là ; dès lors, notre exigence en matière de scénarisation ayant grimpé de plusieurs degrés, ne peut-on s'empêcher de se référer à des modèles déjà existants, tout aussi instructifs mais bien mieux immersifs. La mise en avant du Dr Mathias Wargon, chef de service surjouant à merveille son rôle de bourru bienfaisant, est un ressort scénaristique paradoxal, signant la difficulté de porter la focale sur ceux dont il était censé être question. Probablement aussi qu'en agissant avant tout comme le miroir réfléchissant d'une réalité dont nous ne connaissons que trop bien le contenu et les enjeux, ce documentaire tenant plus du reportage ne nous est prioritairement pas destiné.  

Reste que la démarche intéresse de par plusieurs aspects, et que voir de jeunes consoeurs et confrères se confronter à un univers qui les éloigne tant de ce qu'ils ont "appris dans les livres" a quelque chose de toujours émouvant, rappelant à chacun d'entre nous ses expériences personnelles. Ce qui est le plus passionnant est probablement de voir à quel point le discours médical se construit, et combien il demeure central malgré l'importance et le perfectionnement de la technicité. Confrontés à la diversité des nouveaux langages qu'ils rencontrent, qu'ils soient informatique, médical ou administratif, ou tout simplement à des barrières linguistiques entre soignants et patients, les jeunes tâtonnent, hésitent, trébuchent au gré de leur apprentissage, là où leurs aînés, filmés lors de scènes de groupe courtes mais denses, ont un propos beaucoup plus clair et assuré. Dès lors, l'on regrette que la parole n'ait pas été plus laissée à ces cinq jeunes, alors qu'en quelques mois l'évolution et l'épaisseur de leur réflexion est visible. On aurait aimé les connaître un peu plus, Amin, Evan, Hélène, Lucie et Mélissa. Et un peu mieux. 

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