Suicides des internes : Repérer et aider une personne en danger

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Les professionnels de santé sont plus confrontés que la population générale à la problématique du suicide. Comment repérer et aider un confrère en danger ? Dr Barbara Lantier, médecin généraliste auteure d’une thèse sur le sujet, nous aide à y voir plus clair.

Suicides des internes : Repérer et aider une personne en danger

Chaque année, une poignée d’étudiants en médecine met fin à ses jours. Un phénomène connu qu’il reste pour l’heure difficile à analyser tant les données sur le sujet sont parcellaires. L’an dernier, Barbara Lantier, médecin généraliste, a tenté de mieux comprendre ce phénomène au travers de sa thèse portant sur le suicide des internes, des externes et des docteurs en médecine. « C’est un peu partout autour de nous et ça ne peut pas laisser indifférent », explique-t-elle, tentant d’expliquer les motivations de son travail.
 
Un phénomène omniprésent
 
Une analyse confortée par ses recherches. En tout, Barbara Lantier a interrogé 435 personnes. « Principalement, des enseignants ou des responsables du corps enseignant », détaille-t-elle. Un travail d’ampleur dont il est ressorti un chiffre évocateur. En tout, 67,8 % des répondants auraient déjà été confrontés au suicide d’un futur médecin ou médecin. S’il s’agit parfois d’un même drame qui a irradié dans le quotidien d’un grand nombre de professionnels, cette proportion souligne l’omniprésence de ce phénomène dans leur quotidien. « C’est dur de recouper ce phénomène car le mot suicide est parfois occulté pour des raisons d’assurance », précise-t-elle tout de même. Selon elle pourtant, ce serait les psychiatres, les médecins généralistes ou encore les anesthésistes-réanimateurs qui seraient le plus souvent en proie à ces idées noires. À noter que les chirurgiens ne sont pas non plus épargnés selon sa thèse. « L’épuisement professionnel serait l’antécédent le plus fréquent, devant l’alcoolo-dépendance, puis la maladie bipolaire », écrit-elle. Une liste qu’elle complète également avec les problématiques d’harcèlement au travail ou bien encore les difficultés personnelles.
 
« Il ne faut pas toujours demander la permission » pour aider
 
S’il n’est pas aisé de prévenir les comportements à risque, il est parfois possible de les repérer avant le passage à l’acte. « C’est un peu pareil dans tous les milieux. Il faut faire attention aux comportements addictifs, aux troubles du sommeil ou du comportement », indique celle qui officie désormais à son compte dans la ville de Vincennes (Val-de-Marne). À ces signes évocateurs peut également s’ajouter une incapacité du sujet à avancer dans ses tâches, malgré une grande latitude de travail. « Après, il y a des paroles ou des pleurs ou des échecs répétés durant les épreuves du quotidien à l’hôpital. », poursuit le docteur.
 
Autant de signes qui peuvent pousser les témoins de cette détresse à agir. « En tant que tierce personne, il est possible de contacter des associations en explicitant son inquiétude tout en restant anonyme », indique Barbara Lantier. Une démarche qui pourrait permettre de plus facilement accéder à la personne en souffrance. « Cela peut aider à identifier le problème et lui proposer de l’aide », indique la spécialiste.  Et d’ajouter : « Il ne faut pas toujours demander la permission ».
 
Agir pour soi-même quand c’est possible
 
Toujours est-il que l’idéal est que la personne en proie à ces troubles soit en mesure d’agir par ses propres moyens. « Si c’est le cas, la première chose à faire est de demander de l’aide à un médecin disponible pour écouter. Ce n’est pas forcément un psychiatre », précise la généraliste, qui souligne pour autant que ces derniers seraient plus indiqués qu’un psychologue grâce à leur carnet de prescription. « Il y a aussi des hospitalisations qui peuvent s’imposer car il faut mettre la personne loin de ses pulsions de destruction », indique Barbara Lantier. À noter que la première chose à faire pour une personne en souffrance demeure de ne pas rester seule et de solliciter de l’aide auprès d’une tierce personne. « Quelle qu’elle soit », insiste-t-elle.
 
Aujourd’hui plus qu’hier, les structures formées à gérer ce type de situation sont légion. Parmi elles ? L’Association d’aide professionnelle aux professionnels de santé et médecins libéraux (AAPML), la structure Médecin Organisation Travail Santé (MOTS), la permanence téléphonique de l’association Soins aux professionnels de Santé (SPS) ou encore le mail d’urgence du syndicat des Internes des Hôpitaux de Paris… Autant de mains tendues qu’il ne faut pas hésiter à attraper pour enfin parvenir à remonter la pente.
 
 

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