Stocks sur les médicaments d’intérêt thérapeutiques : c’est bien, mais il en faut plus !

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[Chronique du Pharmacien] Les laboratoires pharmaceutiques doivent désormais constituer des stocks de sécurité sur les médicaments d'intérêt thérapeutique. Mais, cette mesure ne suffira pas, à elle seule, à endiguer le problème de la pénurie récurrente en médicaments.

Stocks sur les médicaments d’intérêt thérapeutiques : c’est bien, mais il en faut plus !

Le sujet est devenu aujourd’hui presque “banal” pour les patients et les professionnels de santé. La liste des médicaments en rupture de stock est en constante augmentation. Les rares résolutions de production sont aussitôt compensées par de nouvelles pénuries. 

Ce constat avait même remonté aux plus hautes sphères de l'État au début de la crise COVID. Le président de la République avait pris alors des mesures pour la relocalisation de la production en France. Car rappelez-vous qu'à l’époque les Français s’étaient rués dans les pharmacies pour faire des stocks de paracétamol. Quelques mois plus tard, la situation reste inchangée. Médecins et pharmaciens doivent jongler avec ces ruptures pour assurer la continuité thérapeutique de leurs patients.

Alors, face à ce constat, l’ANSM a publié un communiqué début septembre (Lire aussi Médicaments : fabricants, surveillez vos stocks) pour obliger les fabricants à assurer une continuité de l’approvisionnement. 

Cette politique de l’action dans l’urgence va certainement prendre du temps à se mettre en place. Et c’est bien le problème de notre système de santé. Les décisions sont prises une fois que l'incendie est hors de contrôle. La prévention des problèmes de santé publique fait défaut. La bonne action serait sûrement d’anticiper ces dysfonctionnements connus de tous les professionnels de terrain.

Car le sujet des pénuries de médicaments n’est pas nouveau. Le développement des génériques, il y a maintenant quelques années, a accentué cette problématique au niveau mondial. Face aux contraintes économiques de plus en plus importantes, les laboratoires ont dû adopter une politique de rationalisation des coûts et de limitation de l’innovation afin de maintenir leur équilibre économique.

Face à ce constat, les actions des pays consommateurs auraient dû être anticipées afin d’éviter la situation actuelle. 

La délocalisation des productions a montré récemment, durant la crise épidémique, ses limites. Fabriquer des médicaments à l’autre bout du monde entraîne une dépendance quasiment addictive. Et quand un grain de sable nommé COVID vient perturber l’équilibre, les pays acheteurs sont en grandes difficultés. Donc la relocalisation des productions constitue également une urgence pour assurer la continuité et l’indépendance des approvisionnements.

La question du coût des médicaments est également une interrogation qui devrait être abordée. Car dans beaucoup de pays et notamment la France, le moins-disant est devenu la norme des appels d'offres obligeant les industriels à sacrifier leur marge au détriment d’autres développements. 

Une autre piste de réflexion pourrait également se poser autour de l’obtention des AMM de ces dernières années. On le sait rares sont les vraies nouveautés thérapeutiques arrivant sur le marché. Par exemple pour les antibiotiques aucune nouvelle molécule significative n’a été commercialisée récemment. Les services hospitaliers voient passer de plus en plus de bactéries multirésistantes alors qu’en face aucune innovation n’a été mise sur le marché depuis des années. Mais de plus en plus d’AMM sont obtenues pour des médicaments sans réel intérêt thérapeutique. Il s’agit, le plus souvent, de nouvelles indications proposées à partir de molécules existantes. Malheureusement, beaucoup de laboratoires pharmaceutiques ont délaissé la recherche et le développement dans leur activité. Certains aujourd’hui se contentent juste de racheter des brevets déposés par des start ups qui n’ont pas les moyens de production et de promotion.

Enfin, cette pénurie de médicaments est aussi le résultat d’une consommation médicamenteuse excessive en France. Nous sommes, aussi, les champions du monde des ordonnances à rallonge. L’approche des patients vis-à-vis du besoin en médicaments est une vraie problématique. Sortir d’une consultation sans traitement prescrit constitue pour beaucoup de Français une situation difficile à entendre.

 

Le problème de la pénurie en médicaments est un vrai sujet de société qui dure depuis déjà de nombreuses années. La situation s’est même aggravée durant la crise sanitaire. Toutes les mesures curatives sont les bienvenues de la part de nos autorités de santé. Mais l’urgence est la mise en application rapide pour avoir des résultats probants. Le temps politique est décalé par rapport aux besoins du terrain même dans la santé...

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