Sauver notre indépendance professionnelle

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La généralisation de la complémentaire santé pour tous découle directement de l’annonce de Francois Hollande au Congrès de la Mutualité, il y a quelques mois…

Sauver notre indépendance professionnelle

Dans les faits, il s’agit, ni plus ni moins, d’un basculement des cotisations obligatoires vers les cotisations d’assurance complémentaire qui sont aussi une façon de masquer le déficit budgétaire.

Pour les professionnels, les patients et l’ensemble des cotisants, cette évolution est catastrophique : les cotisants paieront plus chers, eu égard aux coûts de gestion démesurés des complémentaires, les patients seront moins remboursés et, pour ce qui nous concerne directement, les professionnels de santé pourront être à un moment ou à un autre contraints dans leurs choix thérapeutique.

L’intervention accrue des assureurs sonne comme la fin de notre indépendance professionnelle.

Ces derniers réclament l’accès aux informations du dossier patient. Officiellement, il s’agit de l’accompagner et de lui conseiller la meilleure intervention (médicaments, examens, etc.).

Ne soyons pas dupes : l’assureur est juge et partie dans ses prises en charge. Au final, chaque professionnel devra tôt au tard justifier de ses choix thérapeutiques.

Bientôt, dans la logique des réseaux mutualistes, chaque professionnel de santé sera conventionné et sa pratique quotidienne directement contractualisée avec l’assureur.

La poursuite du recul de la Sécurité sociale en ville et son remplacement progressif par la complémentaire santé pour tous, l’ANI santé [NDLR : accord national interprofessionnel du 11 janvier

2013], ainsi que les réseaux mutualistes, représentent une menace pour l’indépendance professionnelle de chacun d’entre nous.

La désorganisation de la médecine de ville donne toute latitude aux autorités et aux politiques pour agir dans le sens d’une rationalisation des dépenses, pour une réduction du déficit.

Puisque les mutuelles frappaient à la porte depuis longtemps et comme leur prise en charge se rend de plus en plus indispensable, la solution était toute trouvée !

Fournir aux uns et aux autres les preuves qu’une autre prise en charge – coordonnée par les professionnels de santé de ville, dans le cadre d'une démarche moins onéreuse car transparente et mieux évaluée – est possible, est la voie de l’avenir. Organiser les sorties d’hôpital, la réponse aux demandes des patients la nuit, les hospitalisations, voilà des mesures à prendre qui pourraient véritablement changer les choses.

Organiser la médecine de ville est la meilleure façon d’éviter que sa désorganisation soit prétexte à des mesures qui, à terme, la désorganiseront d’autant plus.

Au-delà des seules considérations matérielles – très sérieuses – l’éthique et l’indépendance professionnelle sont des principes qui vont de pair et demeurent essentiels.

Restons donc vigilants, informés, prêts à agir pour sauvegarder notre indépendance en prenant position contre des dispositifs préoccupants et en proposant des solutions qui vont de l’avant.

 

Martial Olivier-Koehret est médecin généraliste, auteur du blog « Panser la santé », ancien président du syndicat MG France et fondateur de l'association Soins coordonnés.

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