Sarthe : faute de coercition, un arrêté municipal interdit de tomber malade

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Fervent défenseur de la coercition, le maire de Fercé-sur-Sarthe, Dominique Dhumeaux, vient de prendre un arrêté (avec 8 autres maires) pour "interdire aux gens de tomber malade ou d’avoir un accident grave", pour dénoncer la pénurie de médecins qui touche le département de la Sarthe. Bluff ou pas ?
 

Sarthe : faute de coercition, un arrêté municipal interdit de tomber malade

« Il faut obliger les internes à faire leur stage de fin d’internat dans des zones sous-denses et mettre fin à la liberté d’installation des médecins ». Joint par WUD, Dominique Dhumeaux, le maire de Fercé-sur-Sarthe, nous a rappelé les propositions qu’il avait faites au Premier ministre en 2019 pour résoudre les problèmes d’accès aux soins, dans le cadre de la mission Agenda rural qui a débouché sur 200 mesures pour accompagner les zones rurales. 
 
Des propositions « retenues par le Premier ministre mais qui n’ont malheureusement pas été prises en considération par le ministère de la Santé », regrette Dominique Dhumeaux. Mais celui qui est aussi président de l’association des maires ruraux de la Sarthe est persuadé de la chose suivante :
« Un jour viendra où la pression des citoyens sera telle que le pouvoir en place n’aura pas d’autres choix que d’être bête et méchant en obligeant les médecins à s’installer ».
 
En attendant, le maire de Fercé-sur-Sarthe a opté, avec 8 autres maires du département, pour une autre solution pour dénoncer la pénurie de médecins qui touche le département : prendre un arrêté pour « interdire aux gens de tomber malade ou d’avoir un accident grave, comme par exemple de faire un malaise cardiaque, mais aussi interdire aux enfants d’avoir des difficultés à la naissance. Par contre, on permet aux gens de déménager pour aller dans des zones où les médecins sont plus nombreux, voire en surnombre, comme sur la Côte d’Azur ».

Interdiction de mourir le week-end

Ne prenez pas ces dernières déclarations au pied de la lettre (par contre, les premières en début d’article étaient on ne peut plus sérieuses !). Car il s’agit en réalité d’une opération de com' « sur le principe de la dérision » pour alerter sur la situation « qui se dégrade mois en mois dans le département en termes d’accès aux soins »
 
Le maire s’est en effet inspiré de l’exemple d’une maire de la petite commune de La Gresle qui avait pris un arrêté fictif de ce type pour dénoncer la difficulté de trouver des médecins. L’arrêté en question « interdisait aux gens de mourir le week-end parce qu’il n’y avait pas de médecins pour signer les certificats de décès », précise Dominique Dhumeaux
 
Si les mesures de coercition à l’installation devraient faire grincer des dents de nombreux médecins qui contestent leur efficacité, l’idée de jouer la carte de l’humour pour attirer des médecins dans le département de la Sarthe, semble, elle, nettement, plus intéressante sur le papier.

Extension du désert médical

La Sarthe fait en effet partie des départements où il est le plus difficile de trouver un médecin. Selon une enquête publiée fin 2019 par l'UFC-Que Choisir, 92 % des médecins sarthois refusent de prendre un nouveau patient comme médecin traitant. Si bien que 70 000 Sarthois sont privés de médecin traitant, soit près de 12 % de la population totale.
 
Le département est également confronté à la fermeture des Smur « en raison du manque de médecins urgentistes », selon Dominique Dhumeaux qui fait également état des départs à la retraite de médecins non remplacés, de la fermeture croissante de lits de réanimation pédiatrique dans les hôpitaux, notamment au CH du Mans « qui est l’un des plus gros hôpitaux non universitaire de France, mais qui malgré tout peine à séduire et attirer les médecins ». Des informations confirmées par France 3 Pays de la Loire qui explique que le désert médical s'accentue chez les généralistes et à l'hôpital public dans la Sarthe.

Conclusion du maire : « Si on ne trouve pas de solutions dans les 5 à 6 années qui viennent, on court à la catastrophe. Or, la coercition fait partie des solutions. » Et, quand on lui rétorque qu’il risque d’attiser la colère des médecins en prônant la mise en place de ce genre de mesures coercitives, celui-ci rétorque :
 
« Nous, élus, les difficultés du médecin, on les entend, mais ce n’est pas notre sujet. Notre travail, c’est de trouver des solutions pour que les gens puissent se soigner, peu importe si ça fait des dégâts derrière. Mon problème, c’est de savoir comment les gens vont pouvoir se soigner, ce n’est pas de savoir ce qui va faire plaisir ou pas aux médecins. Ils sont majoritairement contre la coercition ? Peut-être, mais les citoyens sont majoritairement contre le fait de ne pas pouvoir se faire soigner. Et vu qu’il y a beaucoup plus de citoyens que de médecins, mon choix est vite fait ! »
 
 

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