Réforme du métier d’infirmier : « On ne va pas remplacer le médecin ou empiéter sur ce qu'il fait »

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« Révolutionnaire », « historique » sont les mots qui reviennent chez les infirmiers à propos de la loi, dans sa phase finale, qui doit réformer leur métier, avec des prérogatives élargies et un accès plus immédiat aux patients. Mais est-ce que cela bouleverse vraiment la pratique des médecins ?

Réforme du métier d’infirmier : « On ne va pas remplacer le médecin ou empiéter sur ce qu'il fait »

© Midjourney x What's up Doc

Aujourd'hui, le recours à un infirmier libéral n'est pas direct, même « si vous avez une petite plaie, un petit truc, besoin d'une aide pour une douche ou ce genre de choses, ce qui est pourtant notre rôle propre », resitue Gaëlle Cannat, présidente du collectif Infirmiers libéraux en colère.

La donne doit changer avec le passage mardi en commission mixte paritaire (CMP, sept sénateurs, sept députés) d'un texte approuvé en mars à l'Assemblée nationale et adopté en mai au Sénat. La CMP devrait trouver sans problème un compromis entre les versions des deux chambres pour ce texte de loi consensuel, estiment des experts sondés par l'AFP.

Ainsi, l'infirmier pourrait s'occuper directement d'une personne « qui a une petite perte d'autonomie ou est rentrée d'une hospitalisation, mais n'a pas eu de prescription d'un médecin et a besoin qu'on vienne l'aider à faire des toilettes, par exemple », expose à l'AFP Grégory Caumes, juriste et expert en politique de santé.

Pour les « petits bobos et inconvénients du quotidien, l'infirmier pourra agir directement », synthétise cet ancien directeur adjoint de l'Ordre des infirmiers.

Cette loi permettrait que « les pansements de plaies passent en accès direct et que ça soit reconnu comme une spécificité de notre pratique », illustre la présidente de l'Ordre des infirmiers, Sylvaine Mazière-Tauran.

« L’idée n’est pas de remplacer le médecin » 

« Je ne sais pas si le grand public a vraiment conscience de la révolution que ça peut être », souffle Gaëlle Cannat. « C'est une réforme historique », dit Daniel Guillerm, président de la Fédération nationale des infirmiers.

John Pinte, président du Syndicat national des infirmières et infirmiers libéraux, juge aussi auprès de l'AFP cette loi « révolutionnaire »: « c'est vraiment inscrire la profession dans l'avenir du système de santé et faciliter, fluidifier le parcours du patient ».

Cette loi, « on la demandait depuis 20 ans, ça permet de reconnaître 267 diagnostics infirmiers », complète auprès de l'AFP Ghislaine Sicre, présidente de Convergence infirmière.

« L'infirmière pourra établir si c'est une plaie simple sur laquelle elle va pouvoir réagir ou si ça va être complexe, si ça demande un avis médical, et qu'elle va devoir réorienter », déroule encore Grégory Caumes.

L'idée « n'est pas de remplacer le médecin bien évidemment », assure Daniel Guillerm, ni « d'empiéter » sur ce qu'il fait, insiste Gaëlle Cannat.

Mais d'avoir « des portes d'entrée supplémentaires pour ne pas laisser des patients emboliser les services d'urgence et puis prendre en charge les patients dès que possible », décortique Daniel Guillerm.

Droit de prescription

« On pense souvent à l'infirmière libérale, mais ça va changer les choses pour les infirmières de l’Éducation nationale, infirmières au travail, etc », éclaire Grégory Caumes. Il y a 640 000 infirmiers en France (plus de 80% sont des femmes, selon les dernières données), dont 145 000 en libéral.

Ce projet de loi induit aussi « un droit de prescription », prolonge Grégory Caumes: « en gros des prescriptions simples, notamment certains antalgiques de niveau 1, comme le paracétamol, le Doliprane, par exemple ».

« Il est quand même assez fou qu'un patient puisse acheter en pharmacie des antidouleurs et qu'une infirmière, notamment à l'hôpital, face à un patient qui souffre, ne puisse pas lui donner un antalgique de premier niveau », appuie Sylvaine Mazière-Tauran.

Le projet de loi valorise également le regard de l'infirmier qui se déplace à domicile et « voit votre environnement, comment vous vous nourrissez et peut faire un accompagnement d'éducation thérapeutique », décrypte Grégory Caumes.

C'est ce que Ghislaine Sicre appelle « une photographie du patient », importante parce que « parfois, le patient va aller chez le médecin, mais il y a des choses qu'il n'explique pas forcément ». « On donnera beaucoup d'éléments au médecin sur la prise en charge à l'instant T », ajoute la responsable de Convergence infirmière.

https://www.whatsupdoc-lemag.fr/article/il-faut-former-plus-dinfirmieres-dici-2050-il-en-manque-4-000-par-pour-repondre-au

Cette loi doit enfin gommer certaines situations ubuesques. Comme quand un infirmier, confronté à un soin imprévu, le traitait, sans ordonnance. « Si la patiente ne voyait son médecin que deux jours après, vous avez des médecins qui refusaient d'antidater les actes, la prescription, et donc vous étiez de votre poche en tant qu'infirmier », raconte Daniel Guillerm.

Avec AFP

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