"Que fait-on aujourd’hui pour améliorer la couverture vaccinale ?"

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La semaine européenne de la vaccination (SEV) 2019 démarre aujourd’hui. L’occasion d’interviewer Benjamin Hardy, le fondateur de Biloba. Cette nouvelle appli simplifie le suivi vaccinal des enfants, en leur envoyant notamment des notifications sur les prochains rappels à faire. Elle est disponible depuis novembre 2018 sur iPhone, la version Android devrait arriver en mai. Une solution qui pourrait simplifier le travail des médecins et leur permettre de gagner du temps médical. Interview.

"Que fait-on aujourd’hui pour améliorer la couverture vaccinale ?"

What’s up Doc. Quel est le concept de Biloba ?

Benjamin Hardy : Biloba aide au suivi vaccinal des enfants, à la compréhension du carnet de santé, notamment les pages vaccination du carnet de santé. Les parents rentrent les données vaccinales de l’enfant dans l’application (vaccins déjà réalisés…) Puis, l’appli les informe si leur enfant est à jour ou pas, en fonction de leur âge, de leur date de naissance, de leur calendrier vaccinal. Nous informons aussi les parents des prochains vaccins à réaliser en leur envoyant une notification quelques jours avant la date butoir, pour qu’ils aient le temps de prendre rendez-vous chez le médecin. L’appli demande aussi la ville de résidence de l’enfant pour pouvoir prendre en compte les différences éventuelles sur le calendrier vaccinal et le calendrier de rattrapage. Par exemple, en Guyane, la fièvre jaune est obligatoire, tandis que le BCG est recommandé en Île-de-France. Enfin, l’appli prend en compte les dates de première et de deuxième injection, mais aussi le temps écoulé entre chaque injection pour savoir si l’enfant doit basculer sur un calendrier de rattrapage.

WUD. En quoi l’obligation vaccinale entrée en vigueur le 1er janvier 2018 a changé la donne pour les parents ?

BH. Depuis le passage à l’obligation vaccinale, les parents ont du mal à savoir si les vaccins de leurs enfants sont à jour ou pas. C’est compliqué d’obtenir de bonnes informations sur le sujet : il faut faire des calculs, utiliser les calendriers en tenant compte de l’âge de l’enfant… Donc, soit les parents retournent voir le médecin ou le pédiatre, soit ils les appellent. C’est aussi compliqué en termes d’organisation pour les parents : il faut toujours avoir le carnet de santé sur soi car les enfants doivent être vaccinés pour être inscrits en crèche, à l’école, en garderie, en centre aéré… Quand les parents sont séparés, ils doivent se passer régulièrement le carnet de santé de l’enfant. C’est donc une charge mentale supplémentaire pour les parents que l’on peut éviter.
 

WUD. La SEV démarre aujourd’hui. Pensez-vous que cet événement soit efficace pour sensibiliser les parents à l’importance de la vaccination ?

BH. La SEV est un bon moyen de se poser et de réfléchir à la question suivante : est-ce que l’on fait aujourd’hui tout ce que l’on peut pour améliorer la couverture vaccinale des Français et des Européens ? Est-ce que toutes les forces en puissance, tous les cerveaux sont mobilisés ? L’obligation vaccinale est une bonne mesure, comme les campagnes de vaccination d’ailleurs, mais ce n’est pas suffisant. Nous manquons de propositions de solutions ou de solutions pour empêcher le faible taux de couverture vaccinale de baisser depuis des années. Il faudra être beaucoup à tenir et redresser la barre pour réussir à faire remonter progressivement ce taux de vaccination, cela va prendre des années. L’un des problèmes principaux, c’est qu’on n’a pas travaillé depuis 15 à 20 ans sur des outils pour corriger ce problème de santé publique. Résultat : il y a aujourd’hui, trop de négligence, trop d’oubli, un manque de compréhension de la vaccination… L’autre problème, c’est que nous vivons dans un pays où l’accès aux soins est très inégal. Une grande part de la population ne va chercher des informations sur la vaccination, n’est pas informée, n’est pas éduquée... On a aujourd’hui du mal à toucher ces personnes, notamment dans les déserts médicaux où ce n’est pas dans la norme d’avoir un médecin traitant. La SEV devrait permettre de toucher cette population qui n’est pas suivie, qui est mal éduquée, qui ne parle pas forcément bien français, qui même pas parfois l’existence des vaccins…  Mais Biloba est aussi l’une des solutions à tous ces problèmes. Car nous donnons des outils sur un appareil que tout le monde possède :  le smartphone. Nous démystifions, « décomplexifions » la problématique de la vaccination pour que les parents s’en préoccupent le moins possible.  
 

WUD. Est-ce que votre appli facilite le travail des médecins ?

BH. De plus en plus de gens utilisent Biloba parce que leur médecin, leur pédiatre ou leur sage-femme leur ont prescrit l’appli. Pour eux, c’est un sujet en moins à expliquer en rendez-vous, donc cela leur permet de passer plus de temps sur d’autres tâches. De plus, quand les gens rentrent chez eux, ils sont plus concentrés pour comprendre la vaccination, contrairement à la consultation où ils sont stressés car leur enfant se fait vacciner. Et puis, le médecin a beaucoup de choses à leur dire. Cette quantité d’informations importante fait que les gens ont du mal à tout assimiler durant la consultation. L’appli permet donc aux personnes de s’informer chez elles à tête reposée. C’est hyper pratique pour les médecins, car ils gagnent du temps médical, et cela leur retire la charge de rappeler aux patients les prochains vaccins à faire, les dates de rendez-vous pour les vaccins à 5 mois, 12 mois, et encore plus à 6 ans… Selon nos statistiques, c’est à cet âge-là que les parents ratent le plus la vaccination, parce qu’ils ne vont pas forcément voir leur médecin.
 

WUD. Comment faites-vous pour gagner la confiance des patients sachant que vous n’êtes pas des médecins ? Comment garantissez-vous la fiabilité de vos informations ?

BH. Nous, fondateurs de Biloba n’avons pas de background médical. Par contre, nous sommes accompagnés par des professionnels de santé : des médecins, des spécialistes de la vaccination, des gens qui ont travaillé pour l’OMS... Ils sont partie prenante dans la société, donc les informations données par l’appli sont 100 % sûres. Nous vérifions aussi que tout notre moteur vaccinal, tout ce qui génère de l’intelligence dans notre application, se base bien sur les bonnes données fournies par Santé Publique France ou la HAS. Nous avons également toute une batterie de tests qui nous permette de vérifier que toutes les informations qui sont sur l’appli sont sûres et validées. Ensuite, les gens ont confiance en nous car il n’y a de freins pour rentrer ces données de vaccination dans l’appli. Enfin, l’appli génère un sentiment de confiance car elle est très facile à utiliser : on utilise un vocabulaire rassurant et simple, elle ne plante jamais… Les gens peuvent aussi nous poser des questions, non pas médicales, mais techniques autour de la vaccination. Mais dès que les questions sont médicales, on leur dit qu’on n’est pas habilités à répondre et on leur demande de prendre rendez-vous avec leur médecin.  
 

WUD. Quels sont vos résultats depuis le lancement de l’appli ? Quels sont vos objectifs dans le futur ?

BH. Nous avons dépassé les 10 000 utilisateurs de l’application en France et nous visons 10 millions à terme. L’appli n’existe qu’en France pour le moment, mais nous prévoyons de nous lancer dans d’autres pays d’ici la fin de l’année. Ces pays ont tous les mêmes problèmes, que cela soit en Europe, au Canada et États-Unis : nous manquons de solutions et d’outils pour accompagner les gens dans leur démarche de vaccination. Je suis persuadé que cela passera par un outil adopté par les gens. Et ce n’est pas en passant par les professionnels de la santé que l’on réussit, car ils ont autre chose à faire que de rentrer des données dans des logiciels. Le meilleur moyen d’obtenir une adoption à large échelle, le meilleur moyen de toucher les gens, c’est de passer par les smartphones.  Aujourd’hui, toutes les industries ont été révolutionnées par une transformation numérique et par des applications que des gens ont adoptées. Ce n’est pas en contraignant les gens que l’on réussit à propager des usages, c’est aux gens d’adopter ces nouveaux outils de leur plein gré.
 

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