« Professeure, présidente du CME, si nous sommes là, c’est parce nous nous sommes battues, nous n’avons rien lâché ! Il faut que ça devienne une norme »

Article Article

Marie-France Olieric, gynécologue obstétricienne, cheffe de service, présidente de la commission médicale d’établissement (CME) au CHR Metz-Thionville, présidente de Donner des Elles à la Santé, Cécile Badoual, professeur anatomo-cytopathologiste, cheffe de service, HEGP, vice-présidente de Donner des elles à la Santé et Géraldine Pignot, Chirurgienne Urologue, ancienne présidente ont organisé le colloque de Donner des Elles à la Santé afin de mettre en avant les résultats de leur baromètre et continuer d’initier le changement en matière d’égalité femme-homme à l’hôpital. Entretien avec trois super nanas !

« Professeure, présidente du CME, si nous sommes là, c’est parce nous nous sommes battues, nous n’avons rien lâché ! Il faut que ça devienne une norme »

Marie-France Olieric, Cécile Badoual et Géraldine Pignot  ont organisé le colloque de Donner des Elles à la Santé afin de mettre en avant les résultats de leur baromètre et continuer d’initier le changement en matière d’égalité femme-homme à l’hôpital. 

What’s up doc : Que représente Donner des Elles pour vous ?

Cécile Badoual : Je pense que c’est la signification d’un engagement pour que ce qui existe et ce qui a pu exister puisse être modifié. Et aider à une prise en compte que la différence est un facteur très positif et complémentaire. C’est un engagement pour changer le regard des personnes.

Marie-France Olieric : Pour moi c’est un collectif de personnes animées par une volonté commune de faire changer les choses, de transformer le regard sur les femmes dans les postes à responsabilités. Les langues se délient dans de nombreux domaines peut-être moins à l’hôpital. Cette association révèle que les femmes peuvent très bien accéder à des responsabilités.  

Vous-même, toutes deux cheffes de service, professeur pour l’une et présidente de CME pour l’autre, avez-vous rencontré des difficultés qui vous ont poussées à porter cette cause ?

C B. : Je dirais que les hommes et les femmes trouvent des difficultés dans leur carrière. De façon plus spécifique pour les femmes, pour devenir professeur c’est un peu un adoubement, il y a des accompagnements, des mises en place d’objectifs sur le plan de la carrière qui sont mieux expliqués à mes confrères que mes consœurs. Des moments dans la vie d’une femme, les maternités, par exemple, ne sont pas toujours pris en compte. Personnellement, j’ai eu beaucoup de chance, le directeur du laboratoire pour lequel je travaillais, y a porté une attention particulière. Mais, à certains moments de ma carrière, on m’a fait comprendre que j’étais une femme.

On s’auto-censure. C’est aussi ce que nous avons cherché à dénoncer tout au long de cette journée

MF O. : Je rejoins Cécile sur les difficultés que peuvent rencontrer des médecins, aussi bien homme que femme, dans leur parcours pro. Gynécologue obstétricienne, être chef de service de la maternité n’a pas été trop difficile et plutôt bien admis des hommes, même plus âgés. Par contre, quand j’ai voulu me présenter à la présidence de la commission médicale d’établissement (CME) cela a été plus compliqué. En regardant les chiffres, très peu de femmes sont présidentes de CME. Il y a toujours un moment où l’on se dit « est ce que je fais bien de me présenter ». On s’auto-censure. C’est aussi ce que nous avons cherché à dénoncer tout au long de cette journée. Maintenant que je suis présidente de CME, je veux montrer que c’est possible. Ce n’est pas facile, mais possible. Et cela permet peut-être de montrer aux femmes qu’elles ne doivent pas se censurer.

Que pensez-vous des postes à responsabilités des femmes à l’hôpital ?

Géraldine Pignot : Nous avons ce fameux plafond de verre. Il y a une part de responsabilité féminine avec de l’auto-censure et une part de biais masculin. Le système pour le moment est encore très pyramidal, très hiérarchisé et très patriarcal. Nous avons toutes dit que nous avions eu de la chance et c’est vrai mais on ne devrait pas avoir à le dire.

Si nous sommes là, c’est parce nous nous sommes battues, nous n’avons rien lâché, nous avons répondu quand on nous mettait en porte à faux. Aujourd’hui il faut sortir de cela. Toutes les femmes ne sont pas des Superwoman, certaines veulent s’épanouir. Il faut tout déconstruire, faire dans le management bienveillant. Nous sommes dans un système culturel ou si la personne est trop bienveillante, elle est considérée comme faible.  

La maternité est un problème à l’hôpital ?

MF O. : Peut-être est-ce comme cela dans les entreprises privées mais, à l’hôpital, ce n’est jamais le bon moment pour faire des enfants. Pendant ton internat tu vas louper des semestres, cela peut être désavantageux pour les stages. Pendant mon clinicat, on m’a clairement dit : « Comment vas-tu faire pour passer ta thèse ? ». Quand tu es jeune PH ce n’est pas facile. On a l’impression qu’il n’y a jamais un bon créneau pour faire un petit.

Auriez-vous une anecdote qui mette en scène les préjugés sur les femmes ?

C B. : Il m’est arrivé pour des rendez-vous importants, alors que je suis experte et reconnue sur le plan international, d’avoir à demander à des hommes de m’accompagner, pour donner une certaine caution à ma parole. Ils m’ont accompagnée, savaient pourquoi et en étaient désolés. Une femme seule est moins écoutée. Quand on ferme les yeux, nous n’imaginons pas un professeur chef de service qui soit une femme. Un vrai travail est à faire dans les stéréotypes de la société. De même pendant mes études les patients me prenaient systématiquement pour une infirmière.

Les femmes nommées débordent d’énergie parce qu’on leur a fait confiance et qu’elles ne se limitent pas à un titre elles ont envie de faire

Avez-vous constaté des améliorations depuis le début de Donner des Elles ?

G P : La prise de conscience politique a vraiment été quelque chose de très important. Les femmes avaient déjà pris conscience de ce problème, mais là nous nous rendons bien compte que nos collègues masculins viennent nous voir en nous disant : « C’est super ce que vous faites ! Nous nous reconnaissons dans votre démarche. Nous avons bien compris le problème. Nous avons été témoins et nous ne trouvions pas cela normal. »  Les mentalités changent et cela va nous permettre de faire avancer les choses. Et, j’ai envie de croire que cela va encore changer et que si nous faisons cette interview au prochain colloque, la situation aura continué à s’améliorer et que nous aurons encore plus de soutien.

C B. :  En effet les choses changent, il y a de plus en plus de femmes nommées et les dirigeants se rendent compte que les femmes nommées débordent d’énergie parce qu’on leur a fait confiance et qu’elles ne se limitent pas à un titre elles ont envie de faire.

 

Les gros dossiers

+ De gros dossiers