Procès des cimentoplasties du chirurgien de Gap : « Je suis victime d’un pseudo-lanceur d’alerte, je voulais juste soulager la douleur de mes patients »

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Un spécialiste du rachis a affirmé mercredi 23 mars, devant le tribunal correctionnel de Gap, avoir seulement voulu "soulager la douleur" en opérant ses patients au moyen d'une technique contestée et sans leur consentement éclairé.

Procès des cimentoplasties du chirurgien de Gap : « Je suis victime d’un pseudo-lanceur d’alerte, je voulais juste soulager la douleur de mes patients »

Ex-chirurgien du service d'orthopédie et de traumatologie de l'hôpital de Gap, Gilles Norotte, a opéré entre 2015 et 2017 quelque 126 patients - pour la plupart âgés - en utilisant la cimentoplastie discale percutanée.

Cette méthode "non conforme aux données de la science chirurgicale", selon l'accusation, consiste à injecter du ciment acrylique dans les espaces vides des disques endommagés de la colonne vertébrale.

Au premier jour de son procès qui s'achève demain vendredi 25 mars, le chirurgien a assuré avoir eu recours à cette pratique chirurgicale dans le seul but de "soulager la douleur" de ses patients et de leur "éviter, compte tenu de leur âge, une chirurgie plus lourde".

J'agissais dans le cadre de "soins courants" qui, donc, ne nécessitaient pas l'accord des patients, a insisté le médecin.

"Ce sont de petits gestes comparés à un acte global de chirurgie. Il s'agit simplement d'une injection", s'est justifié Gilles Norotte après avoir décrit l'effet antalgique du ciment, utilisé par ailleurs d'après lui depuis "plus de soixante-cinq ans".

"La cimentoplastie n'est pas interdite, mais ce n'est pas un soin courant"

Pour l'accusation, le docteur Norotte s'est au contraire "départi du cadre législatif médical" en utilisant une méthode "innovante" sans "l'aval de l'autorité compétente", ni le "consentement libre, éclairé ou express" de ses patients.

Premier témoin appelé à la barre, l'adjudant-chef de l'Office central de lutte contre les atteintes à l'environnement et à la santé publique (OCLAESP), Anne Dupont, qui a dirigé l'enquête, a appuyé cette thèse en avançant que le chirurgien a injecté à ses patients le ciment acrylique "dans l'espace intervertébral" et "non directement dans l'os", pour lequel ce type de ciment a été homologué.

"La technique n'est pas interdite. Mais au regard de la loi, ce n'est pas un soin courant et il devait donc respecter un protocole prospectif qui n'a pas été mis en place", a-t-elle ajouté.

Gilles Norotte a quant à lui fustigé "une situation injuste", "instrumentalisée de façon honteuse" par un "pseudo lanceur d'alerte", en référence au chef de service qui a dénoncé sa méthode. L'ex-chirurgien a par ailleurs déploré le "tsunami médiatique" entourant l'affaire.

D'autres experts ou praticiens appelés à la barre ce mercredi ont de leur côté regretté le "décalage" existant entre la réglementation actuelle encadrant la recherche clinique et la "rapidité des avancées biomédicales".

Pour eux, la cimentoplastie discale "ne se pratiquait pas de façon habituelle en France", mais elle était "connue de la société savante". "Je ne crois pas qu'il s'agisse d'une démarche de recherche de la part de Gilles Norotte car il s'agissait là d'apporter du confort au patient, pas d'approuver une technique", a notamment considéré Marie-Dominique Piercecchi-Marti, professeure à l'hôpital de La Timone, à Marseille.

Le chirurgien encourt jusqu'à trois ans de prison et 45.000 euros d'amende.

Avec AFP

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