Pour France Victimes, le temps d’écoute ne se chronomètre pas

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La Fédération France Victimes continue de tendre l’oreille aux difficultés rencontrées par les victimes. Son récent combat ? La suppression de la limitation du temps d’appel. Une demande qui a été entendue dans les rangs du gouvernement.

Pour France Victimes, le temps d’écoute ne se chronomètre pas

Appel d’urgence, puis soulagement. Récemment, la fédération France Victimes a tapé du poing sur la table du Ministère de la Justice. En cause ? La publication d’un appel d’offres limitant drastiquement le temps d’appel accordé aux victimes appelant le numéro gouvernemental 116 006. « Un nouveau marché sans limitation de temps vient d’été publié ! Toute référence aux 6 et 9 minutes a été supprimée », se félicite, ce jeudi 15 juillet, la Fédération qui avait fondé un collectif militant contre la suppression de cette limitation.

C’est en mai dernier que toute cette affaire a commencé. Renouvelable tous les quatre ans, ce marché doit bientôt être remis en jeu pour trouver son futur gestionnaire. Une occasion que le gouvernement souhaitait saisir pour repenser les règles d’écoute de ce service chargé d’informer et de conseiller les personnes victimes d’harcèlement, de maltraitance ou encore d’escroqueries. « Il souhaitait limiter leur temps d’écoute à six minutes pour 80 % du temps et à 9 minutes pour les 20 % restants sous peine de pénalités pour la structure qui gère le numéro », détaille Olivia Mons, porte-parole de France Victimes qui s’occupe de gérer ce numéro depuis sa création en 2001. « Auparavant, il y avait des limitations mais sans pénalité », précise-t-elle.

Une nouvelle ligne de conduite justifiée par le gouvernement par la nécessité de ne laisser « aucune victime […] de côté ». « Ces durées moyennes n’ont pas été fixées arbitrairement. En effet, d’après les chiffres de France Victimes dans son rapport 2020, la durée moyenne d’un appel lié à une infraction pénale est de 9,1 minutes, 63 % des appels étant compris entre zéro et six minutes », clamait-il alors dans les colonnes du Monde.

Rapidement pourtant, la fédération France Victimes a fait savoir que ce son cloche dissonait de son retour d’expérience. « Nous avons interrogé quatorze autres plateformes européennes de 116 006. Le temps d’écoute moyen est de quinze à trente minutes », explique Olivia Mons. Un appel à l’aide ponctué de différents moments. « La personne explique sa situation. Nous lui demandons ensuite la raison de son appel et ce qu’elle attend de ce numéro. Une écoute, une info ? À la fin de l’entretien, on va lui proposer de la mettre en relation avec une personne au niveau local », indique Olivia Mons. « La personne a déjà fait un effort énorme pour appeler à l’aide. C’est comme si on arrivait aux Urgences avec une plaie ouverte et qu’au bout de six minutes, on disait au patient : c’est terminé, vous pouvez repartir », poursuit-elle.

Un agacement accompagné jusqu’alors d’une autre source d’inquiétude. Dans l’appel d’offres désormais remisé au placard, il était précisé que les appelants devaient être « transférés ou faire l’objet d’une tentative de transfert auprès d’une structure traitante en moins de 4 minutes pour 80 % des appels et en moins de 20 minutes pour 20 % des appels ». Un directive alors pensée au mépris des contraintes budgétaires des associations d’aide aux victimes locales selon la porte-parole. « Encore faudrait-il que ces structures aient la capacité de travailler sept jours sur sept pour pouvoir prendre en charge ces personnes immédiatement », rappelle Olivia Mons, qui souligne que seuls 80 euros sont alloués à chacune des 320 000 et 350 000 victimes annuelles françaises. « Actuellement, les associations d’aide aux victimes sont financés par le ministère à hauteur de 28 millions d’euros », précise-t-elle.

Selon le collectif fondé par France Victimes, ce combo perdant se traduisait alors par une rupture avec le droit européen d’aide aux victimes. « Dans le droit européen, on dit que l’aide et l’assistance aux personnes victime doivent être effectives. Là, ce n’est pas le cas car on renvoie la patate chaude aussi vite que possible au niveau local alors qu’il ne sera pas en capacité de le traiter », explicite Olivia Mons. Une conviction qui a poussé France Victimes à envoyer un recours administratif gracieux au Ministère de la Justice le 26 mai dernier. « La durée de six minutes pour nous n’était pas raisonnable au regard des populations des appelants que nous avons. Le recours administratif gracieux, c’est un des moyens de renégocier quelque chose », explique Olivia Mons. Un tour de passe-passe qui a visiblement porté ses fruits !

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