Partie 1 : Avec la formation

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Prototypes acquis au cours de sa formation initiale, cas médiatisés ou souvenirs marquants de l’exercice, il existe différents moyens de prendre conscience des stéréotypes formés inconsciemment qui influencent notre pratique, dans le but de les combattre. Petit tour d’horizon des solutions identifiées… Premier volet : la formation.

Partie 1 : Avec la formation

Les préjugés se construisent en grande partie au cours des études, car l’apprentissage utilise des prototypes, des cas cliniques avec des « patients-types ». Mais s’il s’en tient aux prototypes ou stéréotypes, le praticien risque de passer à côté du bon diagnostic.

Comprendre le raisonnement

Thierry Pelaccia, urgentiste, directeur du Centre de formation et de recherche en pédagogie des sciences de la santé (Strasbourg), a établi que pour élaborer un diagnostic, un médecin utilise un double processus : intuitif et hypothético-déductif. Or un problème de raisonnement serait à l’origine de 96 % des erreurs diagnostiques en médecine d’urgence (Kachalia et al., 2007). Analyser et comprendre son raisonnement clinique serait donc un moyen efficace d’identifier l’origine de ses erreurs et d’y remédier.

Pour faire prendre conscience aux externes de leurs a priori, le Pr Christine Ammirati, chef de service des urgences d’Amiens, recommande à ses collaborateurs de les extraire du box de consult’ au bout de cinq minutes pour leur demander leurs hypothèses, avant même qu’ils aient pu examiner le patient ou approfondir leur anamnèse.

« Il faut arrêter d’imaginer que ce n’est qu’en travaillant sur la partie hypothético-déductive que l’on forme correctement des médecins », avertit-elle. « Dès l’instant où l’on prend conscience de l’importance du raisonnement intuitif, on peut travailler en faisant varier ses prototypes. » À 3 heures du mat’, dans une situation stressante, urgente ou complexe, l’intuitif supplante le raisonnement froid. Il faut donc être conscient de ce risque et prendre deux fois plus de précautions dans ces moments-là.

Simuler pour mieux raisonner

La simulation et les serious games sont des outils intéressants pour évaluer et apprendre à gérer la surcharge cognitive. Des expériences conduites sur des pilotes de chasse ont démontré que les novices, comme les personnes très expérimentées, sont sujets à des erreurs de raisonnement. Or, en simulation, il est possible d’arrêter l’exercice à différentes étapes-clés pour interroger les mécanismes de raisonnement et permettre à l’apprenant d’en prendre conscience.

« La simulation est un moyen facile de faire varier le contexte et ?les caractéristiques du patient, pour prendre de la distance et casser les stéréotypies », considère Christine Ammirati. « C’est une bonne manière de transférer les compétences dans des situations différentes. ».

La complexité des cas cliniques, un atout plus qu’un handicap

Jacques Tardif, qui a beaucoup travaillé sur la psychologie de l’éducation, recommande de ne pas simplifier les cas cliniques lors de l’enseignement. « Plus on privilégie le recours à des situations complexes, plus on augmente l’importance de documenter rigoureusement à partir de preuves les conclusions évaluatives »écrit-il (Tardif, 2006).

Il vaut mieux partir de situations complexes mais réalistes pour avoir de grands principes de raisonnement plutôt que de mettre côte à côte des situations simples non transposables dans la pratique future. 

La connaissance et la bienveillance contre les préjugés

La formation initiale laisse très peu de place pour apprendre à se mettre à celle du patient. Pourtant, leurs témoignages peuvent être des moments marquants d’un apprentissage de la médecine. Certains enseignants invitent des patients à prendre la parole dans leurs cours, comme à Paris 7 où d’anciens alcooliques ou toxicomanes relatent leur parcours.

À Paris 6, le Dr Christine Poitou-Bernet, MCU-PH en endocrino à la Pitié-Salpêtrière, a fondé il y a deux ans des focus groups pour lutter contre les préjugés. Au programme : obésité, addictions, handicap et troubles psy. Une dizaine d’externes échangent leurs impressions et expériences avec des patients souvent stigmatisés, comme les patients « psy », et deux jeunes médecins animent le débat. Une patiente et une responsable d’association de patients viennent ensuite échanger avec les étudiants.

Ces focus groups seront étendus cette année à d’autres pathologies, et peut-être aux internes et à des seniors, qui en auraient parfois bien besoin selon Christine Poitou-Bernet !

Les soins multiethniques pour exorciser les préjugés 

Reste la question culturelle. « Il persiste aussi des préjugés médicaux par rapport aux cultures, aux religions, là encore par manque de formation aux approches anthropologiques de la santé et du soin », remarque Catherine Tourette-Turgis, fondatrice de l’Université des patients. « La formation des médecins est rationnelle mais ce sont nos émotions, nos croyances qui déterminent l'adoption de comportements de santé. »,Catherine Tourette-Turgis, fondatrice de l’Université des patients

Des cours d’ethnomédecine seraient les bienvenus, à une époque où les migrants sont de plus en plus nombreux et d’origines très variées. Iles permettraient d’améliorer des échanges entre médecins et patients trop souvent limités la barrière linguistique. Des interprètes ayant une formation de base en santé pourraient également épauler les médecins dans la compréhension de l’expression des pathologies, très différente d’une culture à l’autre.

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