Organiser la transformation du système de santé, une mission des ARS

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Être médecin de santé publique c’est déjà pratiquer une autre médecine, une médecine de la population et non des individus. Être médecin dans une agence régionale de santé relève encore d’un exercice différent : celui d’encadrer, réguler, contrôler bien entendu mais aussi et surtout accompagner le fonctionnement et la transformation de notre système de santé. Une tribune signée Norbert Nabet, médecin de santé publique qui dirige actuellement l’agence régionale de santé Corse.

Organiser la transformation du système de santé, une mission des ARS

Cette transformation implique d’organiser les interventions des médecins et des soignants de la ville et de l’hôpital autour d’un projet de santé adapté aux besoins de la population au niveau des territoires. La médecine de demain comprendraplus de prévention, plus de maintien à domicile, un meilleur accès aux soins de proximité et un recours mieux organisé. Tout cela implique de la coordination, de l’organisation, de la réflexion et la mobilisation d’une intelligence collective.
 
Les métiers tels qu’assistants médicaux, mais aussi des outils comme les systèmes d’information, l’intelligence artificielle, des modes de rémunération et de régulation plus adaptés à la valorisation de l’exercice collectif, seront à la disposition des médecins et des professionnels de santé de demain. Mais ils ne prendront leur plein essor que si les professionnels de santé apprennent et trouvent les voies et moyens de se coordonner. Il s’agit d’une réelle coordination de leurs capacités et de leurs compétences.
 
Ainsi le management, l’intelligence collective, l’organisation, l’évaluation… Tous les outils qui font d’une organisation bien huilée un vecteur de progrès, de qualité et de performance deviennent des enjeux essentiels des formations initiales et complémentaires des professionnels de santé.
 
Mais à leurs côtés, les services, les outils et les administrations doivent également faire leur mue. Ils doivent se repositionner et adopter des postures vertueuses pour que les producteurs de soins qui sont en bout de chaîne, au contact quotidien avec les patients et la population, soient en mesure de faire bénéficier ces derniers des transformations nécessaires à notre système de santé.
 
Du régulateur au développeur
 
Naturellement, une administration qui accompagne la transformation d’un système qu’elle est censée encadrer et contrôler peut paraître paradoxale. C’est pourtant tout l’enjeu de son évolution dans les années à venir et c’est, de mon point de vue, toute l’utilité de la présence des médecins en son sein. Il s’agit en effet de faire évoluer la posture du régulateur, de l’inspecteur vers celle d’un développeur, accompagnateur, facilitateur, intégrateur des compétences de chacun au service de la population.
 
Il faut pour cela une forte capacité d’analyse de l’ensemble des données disponibles, une présence continue sur le terrain auprès des opérateurs et des partenaires institutionnels, une authentique capacité d’écoute ainsi que de réelles compétences en pédagogie, en communication, en management afin que cet indéniable intérêt, collectif mais cloisonné pour la santé, se meuve en intelligence collective au service de l’ensemble des opérateurs et finalement de nos concitoyens.
 
Là aussi, l’ambition et la nécessité de changement sont colossales. De la même manière que le progrès, l’intelligence artificielle, le vieillissement de la population imposent une évolution rapide des métiers et des formations des professionnels de santé, l’interconnexion des secteurs autour de la santé des individus et des populations. Les contextes politiques et économiques mettent également fortement sous tension l’administration et lui imposent une évolution radicale et rapide.
 
Pour conclure, les anglosaxons appellent les fonctionnaires « civil servant ». Il est utile en l’occurrence de s’attarder un peu sur la sémantique. L’administration n’est pas faite pour fonctionner pour elle-même mais bien pour rendre un service, un service certes rigoureux et de qualité, mais également opportun et inspirant pour ses administrés. C’est là tout l’enjeu de la transformation de notre système de santé : une autre médecine, bien entendu outillée par d’autres services et encadrée par une autre administration qui, elle aussi, devra réfléchir à ses outils et à ses formations initiales et continues.

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