Médiator et de travers

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Médiator et de travers

En narrant le scandale du Médiator par le biais d'un portrait caricatural du Dr Irène Frachon, Emmanuelle Bercot enferme son héroïne dans une vision sans nuances de l'humanité, aux côtés du délinquant magnifié de "la Tête Haute". Gênant...

Il y a peu, un collègue généraliste me confiait qu'il ne comprenait pas l'acharnement actuel contre les labos. Il prenait l'exemple des valvulopathies causées par le Médiator, qu'il n'avait jamais vues arriver à son cabinet, ce qui l'incitait presque à réhabiliter Servier. C'est dire s'il est nécessaire de continuer à relayer l'histoire du Médiator, à témoigner des souffrances des patients, des morts totalement évitables, et de l'entière responsabilité d'un labo dévoyant son devoir premier à des fins commerciales. C'est ce qu'a tenté de faire Emmanuelle Bercot dans son dernier film.

Mais si les intentions sont bonnes, on ne peut s'empêcher d'être déçu devant le résultat. Film bâclé, La Fille de Brest épouse exactement la même trajectoire que La Tête Haute, oeuvre précédente d'Emmanuelle Bercot. Et attire donc les mêmes critiques de notre part.

Quel dommage, car ce film commence si bien (quel exploit de rendre passionnante cette description minutieuse du microcosme de la recherche en santé publique!). Mais il s'embourbe dans une narration redondante et de plus en plus ennuyeuse... Dès lors que Bercot quitte les sphères médicales pour s'aventurer du côté médiatico-politique, elle ne décolle pas - artistiquement et intellectuellement - du niveau d'une série télé basique.

Une héroïne manquée

Elle est d'autant moins excusable qu'elle rate totalement le portrait d'Irène Frachon, jouée de façon extrêmement peu crédible par Sidse Babett Knudsen, l'actrice pourtant excellente de Borgen, de L'Hermine ou plus récemment de Westworld. Comme si pour la rendre humaine et proche de ses patients, il était absolument nécessaire de mettre dans sa bouche à l'accent délicieusement nordique des jurons que personne n'emploie, ou de s'appesantir sur sa propension à se moucher...

Bercot ne s'intéresse presque pas à ce qui aurait pu donner de la densité à son personnage : son histoire, sa vie relationnelle... Par pudeur probablement, peut-être aussi pour mieux se centrer sur le caractère obsessionnel de sa quête. Mais, quitte à aller dans ce sens, il aurait mieux valu ne pas la mettre au centre du tout. Nul doute que ceci n'aurait pas déplu à l'humble opiniâtreté de la « vraie » Irène Frachon.

 

 

 

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