Marion Verdaguer : Et si la langue n’était plus un frein aux Urgences ?

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Depuis 2016, Marion Verdaguer, une infirmière de 41 ans, travaille sur un outil de traduction réservé aux soignants. Son objectif ? Permettre aux patients étrangers d’être plus rapidement pris en charge.

Marion Verdaguer : Et si la langue n’était plus un frein aux Urgences ?

Faire tomber la barrière de la langue aux Urgences. C’est en substance l’objectif que s’est fixé Marion Verdaguer. Infirmière au CHU de Rennes depuis 2002, cette quadragénaire travaille quotidiennement à perfectionner Tralelho ; un outil capable de faciliter l’échange entre soignants et patients étrangers.

Marion Verdaguer

C’est en 2016 que cet outil de traduction réservé aux équipes soignantes voit le jour. Une invention aux allures révolutionnaires née d’un besoin constaté sur le terrain. « J’ai longtemps travaillé aux Urgences de nuit, révèle celle qui officie dans le même établissement depuis le début de sa carrière. Nous sommes souvent confrontés à des problèmes de communication ». Les accompagnants absents et un google traduction inadapté en main, les informations se perdent. « Typiquement, une personne arrive pliée en deux… Elle nous montre quelque chose qui ressemble un peu à l’estomac. En tant qu’infirmier, on ne sait pas si c’est une douleur qui vient des urines, du coeur, du dos… Ça peut être tout ça ! », livre-t-elle. Une inconnue qui se transforme en une batterie de tests et en temps perdu. « Aux Urgences, nous avons besoin d’une réponse rapide, rappelle-t-elle. Nous ne pouvons plus nous permettre de perdre ces minutes. Ils ont le droit à la même qualité de soins. »

Une « injustice » qu’elle ne comprend pas et qu’elle entend régler. « Nous étions déjà en 2016. Ce n’était pas possible de continuer comme ça ! », s’insurge Marion Verdaguer, sonnée que cette invention n’ait pas vu le jour avant. Forte du savoir soignant, elle rédige une liste de questions capables de débloquer les situations. « J’étais entourée de médecins qui me disaient les phrases dont ils avaient besoin. On avait tout le potentiel pour créer le site. Il fallait simplement trouver les traducteurs », se remémore l’infirmière. Un travail titanesque qu’elle réalise bénévolement. « J’ai commencé toute seule. Le site est gratuit, je n’ai pas de budget », révèle-t-elle.

Fonctionnel, le site dispose désormais d’un panel de 119 langues. « J’ai pris toutes les langues officielles, et je les ai fait traduire par des traducteurs bénévoles. Mais le travail n’est pas terminé », révèle celle qui souligne être toujours à la recherche d’un bilingue groenlandais. Neuro, gynéco, cardio, ophtalmo… Toutes les langues des urgences médicales, elles, y sont passées. « Une fois que le patient a pointé du doigt son drapeau, on lui pose une salve de questions fermées. Il a juste à nous répondre par « oui » ou par « non ». Et on enchaîne comme ça jusqu’à trouver le problème », indique-t-elle. En tout, environ une dizaine de questions seraient recensées par spécialité. Outre la gestion de l’urgence, Marion Verdaguer peaufine également l’accueil. « Il y a des fiches patients qui permettent au médecin de dire ce qu’il va faire et, inversement, il y en a d’autres qui permettent au patient de dire ce qu’il ressent », détaille-t-elle.

En tout, 100 000 visiteurs ont fait un tour sur son site depuis son lancement. Un chiffre honorable mais timide compte tenu des besoins… « Je construis ce site sur mon temps libre. Et je n’ai pas le temps de faire de la communication ou de le vendre », explique l’infirmière. Le bouche à oreille a cependant permis à de nombreux soignants de s’emparer de l’outil. « J’ai des retours positifs de toute la France ! Un hôpital à Nice m’a même fait un don de 100 euros. », se félicite Marion Verdaguer.

Un enthousiasme national qui la pousse désormais à voir plus grand. « Actuellement, nous sommes en train d’essayer de rendre l’outil international, poursuit cette passionnée qui compte désormais sur deux développeurs. Demain on pourra traduire de n’importe quelle langue vers n’importe quelle langue, de l’espagnol vers le chinois par exemple. Nous en en sommes aux finitions. ». Si Marion Verdaguer a des projets pleins la tête, elle n’envisage pourtant pas d’un jour arrêter la profession d’infirmière : « J’aime mon métier, donc je n’ai pas envie d’en changer. Sans lui d’ailleurs, je ne suis pas sûre d’être capable de développer quoi que ce soit »

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