Les jeunes professionnels vont-ils sauver le système de santé ?

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Réunis autour d’une table à la Paris healthcare week, les futurs professionnels de santé (médecins, infirmiers, pharmaciens, directeurs d’hôpital) ont exposé leur vision de la médecine : locale, groupée, centrée sur le patient. Une vision qu’ils tentent de faire valoir dans la réforme du système de santé.

Les jeunes professionnels vont-ils sauver le système de santé ?

La jeunesse exaltée du monde de la santé est réunie au salon de la Fédération hospitalière de France (FHF), et s’est retrouvée autour d’une conférence organisée par les étudiants représentant les différentes corporations. « Ma santé 2022 vue par les futurs professionnels de santé » a ainsi été l’occasion de retrouver les représentants étudiants des médecins, des pharmaciens et des infirmiers, une étudiante directrice d’hôpital, la jeune directrice du Collectif des directeurs d’établissements sanitaires, sociaux et médico-sociaux (Cod3s), ainsi que ceux des syndicats d’internes en pharmacie et en médecine pour discuter de leur vision de la médecine de demain (1).
 
Alors que la réforme souhaitée par Agnès Buzyn fait encore l’objet d’âpres discussions au Sénat ou encore au sein des négociations conventionnelles, les futurs professionnels font front commun pour présenter une vision séduisante de la médecine de demain, proche des grandes lignes de Ma Santé 2022. Avec plusieurs thèmes importants : la coopération entre professionnels de santé, l’organisation territoriale locale autour des CPTS, la transition du soin vers la santé, avec un accent mis sur la prévention.

Vie en communauté

La concurrence médecin-pharmacien, le rapport hiérarchique compliqué médecin-infirmier, l’opposition professionnels de santé-directions hospitalières… Les corporations du système de santé aiment traditionnellement les conflits (justifiés ou futiles), et les discussions interprofessionnelles sont souvent tintées de querelles de clochers. Les représentants présents à la PHW semblent vouloir tirer un trait sur ces oppositions d’un autre âge.
 
Ils l’ont tous formulé avec conviction : le travail en coopération interprofessionnelle est l’un des enjeux majeurs du système de santé de demain. C’est d’ailleurs ce qui les a réunis. « Nos aspirations sont différentes de celles de nos prédécesseurs », souligne ainsi Pierre Guillet, premier vice-président de l’Isnar-IMG. « Pour optimiser le parcours des patients, il est nécessaire de repenser le système de santé. Et pour cela, nous avons tous notre panel de compétences ».

Des professionnels de santé en circuit court

Ces compétences, il faut parfois savoir les transférer pour gagner du temps médical, estiment les jeunes médecins. Sans avoir peur de se faire voler des prérogatives. Transférer, et non déléguer, précise notamment Pierre Guillet, qui insiste sur la différence sémantique. Une notion plébiscitée par Robin Tocqueville-Perrier, président de l’Association nationale des étudiants en pharmacie de France (Anepf). « Certains actes peuvent être partagés », explique-t-il, en citant les expérimentations sur la vaccination en officine. « Si la situation s’y prête, on ne peut qu’y être favorable », ajoute Bilal Latrèche, président de la Fédération nationale des étudiants en soins infirmiers (Fnesi), en gardant toujours une question en tête : « Quels sont les besoins du patient ? »
 
Pour pousser cette idée de coordination, les nouvelles dispositions pour l’organisation locale des soins séduisent les participants à la table ronde. « Les hôpitaux de proximité portent pas mal d’espoir » pour l’Isnar-IMG, qui y voit dans ces structures dirigées vers l’ambulatoire une « interface idéale entre soins hospitaliers et soins de ville ». « C’est une porte d’entrée dans le système de santé pour le patient, mais aussi une porte de sortie », par exemple pour le suivi post-opératoire, ajoute Pierre Guillet.

Aimez-vous les uns les autres, BDM !

Tout cela est bien beau sur le papier, mais comment réussir à faire travailler ensemble des professions qui se côtoient au quotidien, mais qui peinent souvent à le faire dans l’harmonie et la compréhension mutuelle ? « Il faut décloisonner l’exercice, et cela commence dès la formation », répond Antoine Reydellet, qui relance l’idée d’un internat commun. « Il faut aussi que l’organisation des CPTS soit cohérente avec les métiers », complète-t-il.
 
Pour Bilal Latrèche, le service sanitaire qui mobilisera tous les étudiants en santé est lui aussi une opportunité de rapprocher les métiers. « Cette culture commune favorise l’interprofessionnalité. » La coopération est aussi l’occasion pour des médecins, qui écrasent parfois de leur connaissances les autres professionnels, de reconnaître qu’ils ne sont pas les meilleurs en tout et que le travail commun peut être profitable à tous. « Les infirmiers sont bien formés à la prévention, contrairement aux médecins », souligne par exemple Clara Bonnavion. Bel esprit d’une jeune étudiante en médecine, qu’il conviendra de mettre en avant pour faire avancer ces desseins séduisants.

Tout va pour le mieux dans le meilleur des mondes possibles

Cette vision idéale peut ressembler à l’excitation innocente d’un hippie projetant d’élever ses chèvres dans le Larzac. Exaltés, optimistes mais naïfs, les jeunes professionnels de santé ? Pas tant que cela. Si le projet qu’ils présentent a un goût d’utopie au service des patients, ils semblent conscients des obstacles qui les attendent pour imposer leur vision. Sans être complètement naïfs, ils restent néanmoins optimistes et confiants dans la capacité des représentants « senior » à les rejoindre et à éviter un enlisement des discussions syndicales dans des considérations plus ou moins rétrogrades ou corporatistes.
 
« Notre discours est un discours de bon sens », estime ainsi Clara Bonnavion, qui compte sur les représentants senior pour les suivre dans cette voie. « Il faudra faire preuve de pédagogie » pour convaincre les confrères et les consœurs avec plus d’expérience, ajoute Antoine Reydellet.
 
Se pose maintenant la question des outils à disposition pour huiler les rouages de cette nouvelle organisation. Tous semblent le penser : la réussite de ce plan de transformation ne pourra se faire qu’avec le soutien d’outils numériques. Des outils comme le DMP ou l’espace numérique de santé qui ne sont pas encore au point, et qui reposent aussi sur une nécessité d’investissements. Car, comme le souligne Romain de Jorna, coprésident de la Fédération nationale des syndicats d'internes en pharmacie et en biologie médicale (FNSP-BM), le fonctionnement du matériel ou des réseaux reste aléatoire et pénalise les professionnels au quotidien. Et sur ce plan technique, « il faudra faire attention à ne pas créer de gap entre les établissements ».

 

(1) Intervenants :
Clara BONNAVION, Présidente de l’Anemf (Association des étudiants en médecine de France)
Marie GOURAIN, Élève directrice d’hôpital
Delphine URING, Présidente du Cod3s (Collectif des directeurs d’établissements sanitaires, sociaux et médico-sociaux)
Bilal LATRECHE, Président de la Fnesi (Fédération nationale des étudiants en soins infirmiers)
Antoine REYDELLET, Président de l’Isni (Intersyndicale nationale des internes)
Lucie GARCIN, Présidente de l’Isnar-IMG (InterSyndicale nationale autonome représentative des internes de médecine générale)
Romain de JORNA, Coprésident de la FNSIP-BM (Fédération nationale des syndicats d'internes en pharmacie et en biologie médicale)
Robin TOCQUEVILLE-PERRIER, Président de l’Anepf (Association des étudiants en pharmacie de France)

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