© DR.
En septembre 2024, des syndicats de soignants ont demandé à leur gouvernement d’envisager d’envoyer l’armée pour protéger leurs hôpitaux. Or ces blouses blanches n’opéraient pas au Soudan, ni en Birmanie, ni à Gaza ou dans quelque autre point du globe en proie aux conflits armés… mais en Italie.
Quelques jours plus tôt, plusieurs médecins et infirmières avaient été obligés de se barricader dans une salle d’un hôpital de Foggia, dans les Pouilles, poursuivis par une cinquantaine de proches d’une patiente de 23 ans décédée à la suite d’une opération. La scène, filmée et diffusée sur les réseaux sociaux, avait choqué toute la Péninsule.
Plus récemment, en août 2025, un homme qui imputait ses problèmes de santé au vaccin anti-Covid a ouvert le feu contre les employés du Center for Desease Control and Prevention (CDC) d’Atlanta. L’assaillant a tué un policier et semé la panique parmi les nombreux professionnels de santé travaillant dans la principale agence sanitaire américaine, avant de se donner la mort. Quelques jours plus tard, de l’autre côté de la planète, les internes du Lady Hardinge Hospital de Delhi, en Inde, se mettaient en grève à la suite d’une émeute au cours de laquelle un médecin et un manipulateur radio avaient été blessés.
Des conséquences physiques… et financières
Et ces incidents ne sont pas juste des événements sporadiques permettant à la presse du monde entier d’alimenter la machine à faits divers. Peu de chiffres récents sont disponibles à l’échelle mondiale – l’Organisation mondiale de la santé (OMS) avait calculé au milieu des années 2000 que 38 % des soignants dans le monde avaient fait ou feraient l’objet d’au moins une attaque violente au cours de leur carrière, les agressions verbales étant encore plus fréquentes – mais bien des pays recensent les faits à l’échelle nationale, et parviennent à des résultats similaires à ceux observés en France.
Au Royaume-Uni par exemple, le National Health Service (NHS) annonçait en mars dernier, à l’occasion de son enquête annuelle auprès du personnel, que 14,4 % de ses employés avaient subi des actes de violence physique de la part de patients, de leurs proches ou d’autres usagers au cours de l’année 2024. Un chiffre en augmentation par rapport à l’année précédente (13,9 %), mais en recul par rapport aux niveaux records observés entre 2020 et 2022 lors de la pandémie de Covid.
Aux États-Unis, l’American Hospital Association a publié en octobre 2024 une étude chiffrant le coût financier de la violence dans les établissements de la première puissance mondiale : 18,27 milliards de dollars (15,64 milliards d’euros) pour 2023. L’immense majorité (13,12 milliards de dollars) du fardeau provenait du coût des soins aux praticiens victimes, mais une partie substantielle (1,3 milliard de dollars) était également imputée à la formation du personnel pour prévenir les drames.
Un frein à l’attractivité au niveau mondial
Mais l’impact des violences va cependant bien au-delà de l’aspect financier, ou même de la santé des soignants. En Australie, où le seul état de Victoria avait dénombré pour l’année 2023 plus de 20 000 incidents violents dans les établissements publics, l’Australian Medical Association a pris publiquement position pour demander aux autorités d’agir plus efficacement.
« La violence sur le lieu de travail affecte de manière négative les patients, qui risquent d’être physiquement ou psychologiquement blessés par les incidents violents auxquels ils peuvent être exposés, déclarait en novembre 2024 sa présidente, Dr Danielle McMullen. Mais elle affecte et dégrade aussi les soins, car les médecins peuvent être perturbés dans leur confiance ou leur concentration. »
https://www.whatsupdoc-lemag.fr/magazine/70
C’est ce qui a conduit le Dr Ole Johan Bakke, président du Comité permanent des médecins européens (CPME) à déclarer le 12 mars dernier « Journée européenne de la conscience de la violence contre les médecins ». « Quand les médecins sont victimes de violence sur leur lieu de travail, les effets vont bien au-delà des impacts immédiats, expliquait-il dans un communiqué diffusé pour l’occasion. Cela pèse sur leur bien-être mental et physique, réduit leur motivation, et détourne des professionnels de santé du secteur au moment où on a le plus besoin d’eux. »
En d’autres termes, la violence contre les médecins n’est pas seulement un problème pour les médecins du monde entier, c’en est aussi un pour les patients du monde entier.
A voir aussi
Aux Etats-Unis, l’école de médecine alternative fondée par la femme la plus riche du monde a ouvert ses portes