La Santé, une polémique sans politique

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INTERVIEW - Brice Teinturier* revient sur la place de la santé dans la campagne présidentielle 2012
*directeur général délégué de l’institut de sondage IPSOS

La Santé, une polémique sans politique

La santé n’a pas occupé une place de 1er rang pendant la campagne 2012. Secteur 2, liberté d’installation… Sujets sans importance ?
« Si bien sûr. La santé a quand même été plus abordée que d’habitude. Mais pour qu’un sujet public alimente la controverse politique, il ne suffit pas de l’aborder, il faut aussi qu’il y ait des propositions de natures différentes à débattre. »

Mais justement, les programmes présentaient pourtant des différences ?
« Oui, en effet, bien des différences sur le fond (comme la tarification à l’activité, la place de l’Hôpital…) mais souvent lissées par trop d’aspects techniques qui empêchaient de nourrir un réel débat politique au service d’une ferveur électorale. Certains sujets ont même rapidement fait l’objet de consensus, comme le plafonnement des dépassements d’honoraires (DH) qui, de fait, n’entretenaient plus de polémiques, faute d’opposition. »

La santé ne fait-elle jamais débat en période électorale ?
« Modérément, en fait. En 2002, les DH n’avaient même pas été abordés. En 1995, ce sont les dépenses de santé qui faisaient polémique, un sujet de macroéconomie, loin des préoccupations directes des électeurs. Le candidat E. Balladur défendait l’idée qu’il fallait réduire ces dépenses alors que J. Chirac expliquait qu’il ne fallait pas les restreindre, les considérant comme une évolution inévitable des exigences sociales. Finalement, une certaine opposition d’idées, mais toujours peu de place au débat. »

Pourquoi, en 2012, la mort des DH a-t-elle fait consensus ?
« Aujourd’hui, la “France en crise” est devenue la 1re préoccupation des Français. Les DH sont vécus comme « indécents ». Ils touchent au symbolique. Ils sont devenus inacceptables, comme les salaires pharaoniques de certains chefs d’entreprise. Derrière cette aigreur populaire plane en fait l’angoisse d’une médecine à 2 vitesses. Une angoisse d’anticipation qui entretient le phénomène des renoncements aux soins. Dans une récente enquête que nous avons menée pour un groupe de cliniques qui enregistrait une baisse d’activité, les sondages révélaient que les patients retardaient leurs soins, pourtant remboursés. La crise entretient le climat de peur. Les DH sont considérés aujourd’hui, par tous, comme “persona non grata” : pas de polémique politique donc autour de ce sujet. »

Ces « non-sujets » n’ont-ils pas alimenté une certaine antipathie à notre encontre ?
« Non, il n’y a pas d’affectation de l’image médicale. Le médecin reste parmi les métiers les plus appréciés, comme le pompier, l’infirmier(ère) ou le prof. C’est l’investissement personnel que revêt votre profession qui nourrit sa reconnaissance aux yeux des gens. Mais l’image sociale d’une profession reste vulnérable en période de crise. Si l’altruisme, propre à l’exercice médical, venait à être occulté par le sentiment d’une recherche de profits personnels, le risque d’une banalisation de votre statut ne serait pas nul. Il faut sans doute savoir rester vigilant. »

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