La consult’ à 50 balles, ça n’a rien d’extravagant ! Ah bon, t’es sûr ?

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Doubler le tarif de la consultation, pour l’établir à 50 euros. Cest la revendication portée depuis plusieurs mois par le collectif « Médecins pour demain ». Hérésie ou mesure de bon sens ? Les économistes sont divisés.

La consult’ à 50 balles, ça n’a rien d’extravagant ! Ah bon, t’es sûr ?

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« Je suis tombé de ma chaise. » Telle a été la réaction de l’économiste de la santé Nicolas Da Silva, maître de conférences à l’université Paris-13 et spécialiste de la protection sociale, quand il a découvert la revendication principale portée par le collectif « Médecins pour demain » : un « C » à 50 euros, contre 25 actuellement. Pour lui, ce tarif, devenu le cri de ralliement de la contestation qui agite la médecine libérale depuis l’automne dernier, est « absolument inaudible », et il est même contreproductif. « Il faut rappeler que les généralistes libéraux font partie du top 2 % de la distribution des rémunérations en France, et que les spécialistes sont dans le top 1 %, souligne-t-il. Cest triste, car cela décrédibilise beaucoup dautres revendications, tout à fait légitimes, de la profession sur la bureaucratisation, la dégradation des conditions de travail, etc. » Et pourtant, il se trouve des confrères de Nicolas Da Silva pour étayer la demande du collectif.

C’est ainsi que quand on demande à Frédéric Bizard, fondateur de l’Institut Santé, si la consultation à 50 euros peut avoir quelque justification économique, il répond sans hésiter par l’affirmative. « Tout dépend de ce quon met dans une telle consultation, explique-t-il. Si on ny fait que le renouvellement dune ordonnance, sans examen clinique, sans anamnèse, sans prévention, cest sûr que cela fait trop, estime-t-il. En revanche, si on veut changer de paradigme, faire du généraliste un véritable pilier du soin primaire tant dans la prévention, la prise en charge des maladies que la gestion de la data, il faut que cela soit valorisé. » Précision utile : l’augmentation massive du tarif de la consultation devrait selon l’économiste s’accompagner de la disparition des forfaits qui complètent le revenu des libéraux, ce qui relativiserait son ampleur. Mais même dépossédé de ses forfaits, un généraliste dont on boosterait le « C » pourrait se consacrer davantage à son cœur de métier, ajoute Frédéric Bizard : il aurait notamment « intérêt à sentourer de personnel paramédical, pour assurer le suivi et la prévention », sans pour autant « être tenu en laisse par lAssurance maladie », comme c’est selon lui le cas avec les actuels contrats d’assistants médicaux.

Ma petite entreprise…

Une manière de voir que récuse en bloc Nicolas Da Silva. « Les médecins ont déjà des aides à lembauche, mais ils nen veulent pas parce quils considèrent quils sen sortiraient mieux si on les laissait gérer leur cabinet comme une petite entreprise, sans les contraintes imposées par lAssurance maladie, pointe l’universitaire. Or la réalité, cest que le médecin nest pas un petit chef dentreprise : contrairement à un boulanger, par exemple, ou même à un autre professionnel libéral comme un avocat, qui doit trouver une clientèle solvable, il a une patientèle solvabilisée par lAssurance maladie, et il est donc normal que celle-ci cherche à avoir des garanties. » Nicolas Da Silva pointe par ailleurs une contradiction à vouloir libérer du temps médical en faisant du médecin le chef d’une petite entreprise médicale : s’ils embauchent, ces entrepreneurs devront consacrer une partie significative de leur temps à la gestion de leur organisation, et ne pourront donc pas se consacrer entièrement à leur cœur de métier, souligne-t-il.

Reste qu’on peut, selon les défenseurs d’une augmentation massive du tarif de la consultation, assimiler celle-ci à une aide pour permettre aux libéraux d’investir dans leur outil de travail. Il faudrait donc savoir si, dans d’autres secteurs, ce type d’action aboutit généralement aux transformations attendues. « Il est très difficile d’évaluer cela statistiquement, notamment parce quon ne sait jamais ce quil se serait passé si les entreprises navaient pas eu les aides, estime François Écalle, ancien membre de la Cour des comptes et du Haut Conseil des finances publiques, et actuel président de l’association Fipeco, spécialisée dans l’analyse des finances publiques. Mais quand on réussit à effectuer des évaluations robustes, on constate généralement que les aides ont des effets, sans pour autant compenser le coût quelles ont généré pour les finances publiques. » Conclusion de cet expert : « Satisfaire la revendication des médecins reviendrait à augmenter lendettement, et donc à en reporter le coût sur les générations futures ». Faut-il privilégier les médecins d’aujourd'hui ou les enfants de demain ? À méditer…

 

 


La consultation la moins chère dEurope ?

C’est un visuel que l’on voit souvent sur les affiches des syndicats et autres collectifs demandant un relèvement du tarif de la consultation : on y voit une carte d’Europe, avec, sur chaque pays, le tarif de la consultation médicale. Avec ses malheureux 25 euros, la France y apparaît toujours comme honteusement mal classée. Il faut donc revaloriser la consultation. CQFD. Sauf que comparer les tarifs des consultations n’a pas grand sens. Tout d’abord parce que les 25 euros du « C » à la française ne sont pas représentatifs de ce que gagnent les médecins. Ils ne prennent pas en compte le tarif des consultations chez les spécialistes, les compléments d’honoraires, ou encore les forfaits que peuvent toucher certains praticiens. Mais surtout, le « C » ne peut avoir de signification que dans un contexte français : que peut-il bien représenter pour un médecin espagnol, qui est le plus souvent salarié, ou pour un médecin britannique, qui travaille généralement dans une structure payée à la capitation ? Pour comparer les revenus, mieux vaut donc s’en référer aux comparaisons effectuées par des organismes internationaux. Et là, notre pays s’en tire beaucoup mieux que sur les affiches syndicales : d’après l’OCDE, un généraliste français gagne 3 fois le salaire moyen dans son pays. Seuls l’Allemagne (4,4 fois le salaire moyen) et le Royaume-Uni (3,3 fois) font mieux.


 

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