Tout travail mérite salaire… même le travail d’influenceur, et même pour les médecins

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Le contenu créé par les médecins influenceurs sur les réseaux sociaux a une valeur pour laquelle certains acteurs économiques sont prêts à délier les cordons de la bourse. Reste à savoir pour quoi, comment… et combien.

Tout travail mérite salaire… même le travail d’influenceur, et même pour les médecins

© DR.

Gagner de l’argent en postant des stories sur Insta est une idée qui pouvait paraître étrange il y a quelques années, mais qui s’est progressivement imposée dans les esprits… du moins pour ce qui est du grand public. En revanche, dans le secteur de la santé en général, et chez les médecins en particulier, on ne peut pas dire que la monétisation des contenus créés sur les réseaux sociaux soit encore une pratique tout à fait naturelle. 

Et pourtant, certains praticiens estiment que le temps qu’ils passent en ligne d’une part, et l’utilité de cette activité d’autre part, méritent bien une rémunération. Il leur semble donc en partie légitime de monétiser leur travail d’influence, même si celui-ci, à de rares exceptions près, représente une part secondaire dans ce qui remplit leur frigo.

Un mois de salaire d'externe pour juste une publication sur les réseaux

« La première fois qu’on m’a proposé d’être payée pour une story, j’étais en mode wow, c’était un mois de salaire d’un externe pour juste un post », se souvient A., médecin bien connue des adeptes d’Instagram, mais qui souhaite garder l’anonymat. Un témoignage qui illustre le parcours numérique de bien des créateurs de contenus médicaux, qui n’ont en général pas commencé à poster sur les réseaux dans le but d’arrondir leurs fins de mois. 

« Au départ, en majorité, ce sont des personnes qui veulent surtout partager leur quotidien, échanger, parfois vulgariser, remarque Rémy Teston, consultant et fondateur de Buzz E-santé, média qui observe depuis bientôt 15 ans les transformations numériques du monde de la santé. Ce n'est qu’ensuite que certains reçoivent des sollicitations qui leur permettent de se dire qu’ils peuvent en tirer une forme de rémunération. »

Les partenariats peuvent aussi être une source de revenu

Cette rémunération peut venir de deux principaux canaux. Tout d’abord, le nombre de clics, pour les plateformes qui, comme YouTube, permettent de monétiser ces derniers via la publicité. Mais tous les réseaux n’offrent pas cette possibilité, qui suppose de toute façon une surface très importante en termes de nombre d’abonnés. 

La plus grande partie de ce que peuvent gagner les médecins en ligne vient donc des partenariats noués avec différents acteurs (labos, institutions publiques, éditeurs de logiciels, etc.) qui entendent atteindre à travers eux les followers qu’ils ont accumulés sur les différents réseaux. Et le moins que l’on puisse dire est que la valeur d’un influenceur à leurs yeux peut s’avérer très variable.

Avec un médecin le message passe encore mieux

« Quand on a quelqu'un qui est suivi par 1 million de personnes, qui fédère une communauté, on sait que le message passera mieux car il sera incarné, explique Julie de Folleville, directrice générale de RCA Factory, une agence de communication en santé qui aide les industriels ou les institutions à atteindre leurs cibles sur les réseaux sociaux. Quand il s’agit d’un professionnel de santé, on sait que le message aura en plus une caution scientifique qui est extrêmement importante. » 

Mais la communicante ajoute que le nombre de followers ne fait pas tout. « Il y a aussi la qualité de l’audience, et notamment le taux d’engagement, c’est-à-dire la façon dont la communauté est impliquée, dont les personnes répondent, commentent ce qui est posté, ajoute Julie de Folleville. C’est ce qui permettra de définir un tarif. »

Certains collaborations se chiffres en milliers voir dizaines de milliers d'euros

Le tarif en question est donc le produit d’une négociation, qui se fait parfois par le truchement d’un agent, et dont le résultat peut être extrêmement variable. De plus, ce tarif fait l’objet d’une certaine omerta. « L’argent est encore tabou pour les créateurs de contenu », observe Rémy Teston. Deux raisons pour lesquelles il est impossible d’obtenir des chiffres précis. On peut toutefois donner des ordres de grandeur. Les acteurs du secteur citent en général des montants de l’ordre de quelques centaines d’euros pour un post ou une story chez un influenceur à la notoriété encore modeste. 

Pour des campagnes de plus grande envergure, et pour des influenceurs ayant atteint une certaine surface, les collaborations peuvent se chiffrer en milliers, voire pour des cas exceptionnels en dizaines de milliers d’euros. « En général, pour des montants importants, il s’agit d’influenceurs qui sont très connus, et donc de personnes qui s’adressent au grand public plutôt que de personnes qui s’adressent au public professionnel », note Rémy Teston.

Les médecins tiennent à ce que l'argent ne prenne pas les commandes

Reste que dans la majorité des cas, l’argent est vu par les médecins influenceurs comme une juste rémunération du travail qu’ils effectuent sur les réseaux, mais il n’est pas au cœur de leurs préoccupations. « J’ai mis du temps à bâtir ma communauté, et cela peut prendre du temps d’élaborer les messages avec les partenaires, je trouve normal que cela soit rémunéré, estime A. Mais je n’ai pas de démarche proactive, les collaborations tombent ou ne tombent pas, je ne vais pas les chercher. » D’ailleurs, pour elle, l’argent des réseaux reste « du bonus », selon ses mots.

Et même lorsque l’activité en ligne est plus importante, les médecins tiennent à ce que l’argent ne prenne pas les commandes. C’est ainsi que B., autre médecin influenceuse qui souhaite que son témoignage reste anonyme, et dont la moitié environ des revenus provient des réseaux, souligne qu’une « collaboration intéressante repose sur la véracité, l’utilité et l’intelligibilité du message ». 

https://www.whatsupdoc-lemag.fr/magazine/69

Les questions qu’elle se pose sont donc aussi des questions de santé publique. « Le sujet intéresse-t-il les gens ? Le contenu va-t-il permettre aux gens d’être mieux informés sur leur santé ? Apporte-t-il une aide concrète et accessible aux gens ? énumère-t-elle. Je m’interroge également sur les valeurs de l’entreprise, qui sont aussi un critère important à prendre en compte avant de s’associer. » De quoi (tenter de) se convaincre qu’un médecin influenceur reste, avant tout, un médecin.

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