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Devant une pratique désormais massive chez les spécialistes exerçant en libéral, qui a des impacts sur le pouvoir d’achat et l’accès aux soins, François Bayrou avait chargé en mai les députés Yannick Monnet (PCF) et Jean-François Rousset (EPR) de faire un état des lieux et des recommandations pour nourrir les débats sur le budget de la Sécurité sociale pour 2026.
Si les dépassements d’honoraires « ont permis d’alléger les dépenses de l’Assurance maladie tout en revalorisant la rémunération des médecins », « leur généralisation progressive chez les médecins spécialistes engendre des effets délétères sur l’accès aux soins », soulignent ces élus de l’Allier et de l’Aveyron dans un rapport d’une centaine de pages.
Des inégalités accrues
Les trois quarts des jeunes spécialistes qui s’installent aujourd’hui pratiquent des dépassements d’honoraires, selon un rapport publié début octobre par le Haut Conseil de l’Assurance maladie (HCAAM), inquiet de l’inflation de ces suppléments non remboursés par l’Assurance maladie.
Les dépassements d’honoraires « deviennent difficilement supportables pour une partie de la population », constituant « un frein voire un facteur de renoncement aux soins » et accentuant les inégalités sociales et territoriales, soulignent les deux élus. Et « ils creusent les écarts de revenus entre les spécialités et entre praticiens d’une même spécialité ».
Plusieurs tentatives de régulation depuis 30 ans n’ont pas suffi à contrer leur essor : le montant total des dépassements augmente chaque année (4,5 milliards d’euros en 2024) et les médecins sont toujours plus nombreux à s’installer en secteur 2 (trois quarts des nouvelles installations en 2024).
Secteurs 1 et 2 : quelles différences ?
En secteur 1, les médecins appliquent le tarif fixé dans la convention nationale sans dépassements d’honoraires, sauf à titre exceptionnel.
En secteur 2, un médecin peut pratiquer des tarifs supérieurs aux niveaux de base de la Sécurité sociale. Ces dépassements d’honoraires ne sont pas pris en charge par la Sécu, laissant un reste à charge plus ou moins important à l’assuré.
Le PLFSS 2026 prévoit une surcotisation sur les dépassements d’honoraires pour les praticiens libéraux en secteur 2.
Un plafonnement plutôt qu’une interdiction
Après avoir examiné plusieurs scénarios, dont une interdiction totale des dépassements d’honoraires, Yannick Monnet et Jean-François Rousset préconisent finalement « un plafonnement » dans une « approche pragmatique ».
Ils appellent à « réduire, voire supprimer » ces dépassements « sur les actes importants pour la santé des Français » : forfaitisation, voire interdiction, des dépassements en cas d’actes et de consultations répétés dans le cadre d’un épisode de soins ou pour certaines pathologies (type cancer), et interdiction pour certains actes et examens de prévention.
Des accords ciblés avec les spécialistes
Le rapport suggère également des accords avec plusieurs spécialités (chirurgie, anesthésie, ophtalmologie, radiologie) représentant plus des deux tiers des dépassements d’honoraires, pour supprimer ces dépassements sur les actes les plus importants, notamment dans la prise en charge des cancers.
En cas de dépassement excessif, les élus veulent des sanctions, à partir d’une campagne annuelle pour contrôler les médecins exerçant en secteur 2.
Ils défendent également des contreparties accrues à l’exercice en secteur 2 et à la possibilité de dépassements d’honoraires, via la révision de la nomenclature des actes techniques (CCAM).
Les complémentaires santé mises à contribution
Si les syndicats de médecins ne se montrent pas hostiles à ce que les pouvoirs publics cherchent à limiter les excès les plus criants des dépassements d’honoraires, ils défendent bec et ongles le principe de ce supplément de revenus, qui permet selon eux à de nombreux praticiens de compenser une revalorisation insuffisante de leurs tarifs au fil des ans.
Au-delà des médecins, la mission Monnet-Rousset juge « important de veiller à ce que les complémentaires les remboursent bien ». Actuellement, il est difficile pour les patients de savoir ce que les complémentaires prendront réellement en charge, et certains patients sont très mal couverts.
Les deux députés suggèrent donc d’imposer aux complémentaires santé de proposer deux options à leurs assurés, l’une sans prise en charge des dépassements d’honoraires, l’autre avec prise en charge complète.
Autre préconisation : faire bénéficier davantage de Français de la Complémentaire santé solidaire (C2S), qui protège des dépassements d’honoraires, en relevant les seuils de ressources pour y accéder.
Avec AFP
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