Intrusion à la Pitié-Salpêtrière : Martin Hirsch s’explique

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Dans une lettre adressée au personnel de l’AP-HP, le directeur de l’AP-HP revient longuement sur ses réactions dans les médias qui ont suivi l’intrusion de l’hôpital de la Pitié lors des manifestations du 1er mai. Il se défend d’avoir instrumentalisé l’événement.

Intrusion à la Pitié-Salpêtrière : Martin Hirsch s’explique

« C’est pas ce que j’ai voulu dire ». C’est en substance – concentrée et à peine déformée – ce qu’explique Martin Hirsch, directeur général de l’AP-HP, dans un message adressé à l’ensemble de son personnel. Vivement critiqué, comme le ministre de l’Intérieur, pour ses différentes réactions médiatiques à « l'intrusion » de quelques manifestants dans un service de réa chirurgicale, il estime que ses propos, certes maladroits sous l’emprise de l’émotion, avaient tout de même été mal compris.

Il fait ainsi comprendre que le mot « violente » qui qualifie l’intrusion s’adresse plus à la situation qu’à des intentions des manifestants. Il se défend également d’avoir voulu souffler sur les braises, mais estime avoir réagi à une situation qui aurait pu être dangereuse pour le personnel hospitalier. « Nous n’avons pas recherché à ce que les ministres utilisent cet événement », ajoute-t-il.
 
Reste que le tweet du directeur parle de « bande de manifestants/casseurs » et laisse penser qu’une bataille rangée a eu lieu entre méchants gilets jaunes et gentil personnel. Ou alors, on n’a pas bien compris.
 

La lettre de Martin Hirsch

A la suite du trouble exprimé par certains, il m’a semblé nécessaire de revenir, de manière transparente, sur mon expression au sujet de ce qui s’est passé à la Pitié Salpêtrière le 1er mai et ce qui l’a sous tendue :

Dans toutes mes interventions publiques, je me suis efforcé d’être factuel, comme l’a été la direction de la Pitié Salpêtrière : ni elle ni moi, n’avons utilisé le mot « attaque ».  Nous avons parlé de « tentative d’intrusion », ce qui est exact. Je n’ai jamais évoqué de « personnel agressé », dans aucune déclaration. Et, de même, à la question qui m’a été posée sur le fait de savoir s’il y avait eu des dégradations, j’ai toujours répondu que non. Il m’a été également demandé s’il y avait un lien entre l’intrusion et la recherche d’un policier blessé. J’ai répondu que ce n’était pas le cas et qu’il n’y avait rien qui le laissait penser.

Mon message posté sur Twitter le mercredi vers 18h30 est le suivant « plein soutien aux équipes de la pitié salpêtrière qui ont fait face à une bande de manifestants/casseurs dans une tentative d’intrusion violente dans le service de réanimation chirurgicale ! et qui ont empêché la mise en danger de patients. Merci à la police. Plainte sera déposée par l’APHP ».  Ce message, au moment où l’émotion était la plus forte, s’appuyait sur les témoignages qui m’étaient parvenus à chaud. L’équipe que j’ai vue le lendemain considère bien qu’elle a empêché la mise en danger de patients. Est-ce que le mot « violente » est excessif ? Forcer la grille d’un hôpital et courir vers une réanimation s’apparente à un moment violent. L’intrusion possible dans un mouvement de panique, de plusieurs dizaines de personnes dans un service de réanimation chirurgicale, représente quels qu’en soient les motifs non seulement un risque pour la sécurité des personnels mais aussi un risque sanitaire très important pour les patients.  C’est d’ailleurs ce qu’ont ressenti les équipes concernées.

Mes autres interventions publiques sont au nombre de deux : une interview en direct sur BFM le 1er mai à 22 h et une sur France Info le 2 mai à 7h10. J’ai fait en sorte que mes interventions y soient mesurées, même si elles sont indignées. A aucun moment, je ne me prononce sur les motivations de ceux qui ont pénétré dans l’hôpital et qui ont voulu s’introduire dans le service de réanimation chirurgicale. Je laisse d’ailleurs entendre qu’ils pouvaient chercher à fuir, ce qui, à mes yeux, n’est pas non plus une raison pour les laisser entrer dans un service de réanimation chirurgicale. Et j’ai, pour ma part, rappelé que l’honneur de l’hôpital était de soigner sans distinction tout le monde, « on soigne dans les mêmes endroits les forces de l’ordre comme les manifestants. On se donne autant de mal pour les uns que pour les autres », « il n’y a aucune discrimination dans la prise en charge des patients » ce qui va de soi pour nous tous.

A plusieurs reprises ces derniers mois, la question de la protection des personnels a été posée. Nous avons toujours dit que nous soutenions nos équipes lorsqu’elles pouvaient être menacées dans l’exercice de leur travail. Quelles qu’en soient les circonstances. Il y a quelques temps, dans un tout autre contexte, il y a eu une intrusion d’un groupe de personnes dans la réanimation de l’hôpital Beaujon. Cela a suscité une vive émotion et l’équipe a demandé un soutien de la direction. Nous exprimons systématiquement notre solidarité, y compris avec l’émotion de l’instant, regardons comment les faits se sont produits, portons plainte et prenons les mesures qui permettent que l’équipe puisse se sentir en sécurité. Nous n’avons pas une indignation à géométrie variable.

Dans la soirée du 1er mai, au vu des témoignages des personnels mais aussi des vidéos, il a semblé à ceux qui en ont eu connaissance à chaud, dont moi-même, que la situation aurait pu dangereusement déraper, que des patients auraient pu être en danger, que le personnel avait pris des risques. Le premier réflexe était effectivement d’apporter sa solidarité aux équipes et de s’indigner sur le fait qu’on puisse tenter de pénétrer dans un service où l’on soigne des malades et où les personnels les dissuadent d’entrer.

Le sens du « message à tous » envoyé le 1er mai au soir était de marquer ma solidarité. Si je ne l’avais pas fait, cela m’aurait été à juste titre reproché, y compris par celles et ceux qui, aujourd’hui, peuvent s’émouvoir de mes propos dans un contexte par la suite chahuté.  Dans ce « message à tous », il y a probablement une expression que je n’aurais pas utilisée à froid. Après quelques heures, l’émotion passée, l’événement maitrisé il est toujours possible de tirer une expression dans un sens ou dans un autre pour la réinterpréter.

Nous n’avons pas recherché à ce que les ministres « utilisent » cet événement. Le ministre de l’Intérieur nous a fait part de son souhait de se rendre à la Pitié Salpêtrière au chevet d’un policier blessé comme le font très souvent les ministres de l’Intérieur, depuis plusieurs années. Le ministre de l’Intérieur a regretté l’emploi du mot « attaque » ; ce n’était pas un mot que nous avions utilisé ni inspiré. Nous avons organisé la venue de la ministre de la Santé le lendemain qui souhaitait apporter, par sa visite, un soutien aux équipes impliquées, ce qu’elles ont apprécié.

Que certains rappellent que nous sommes exclusivement au service de la santé et des patients et non pas au service d’un quelconque autre intérêt ne me choque absolument pas. Je le partage. Pour faire ce rappel, nul besoin de distordre nos propres déclarations ou de nous prêter des arrière-pensées que nous n’avons pas.

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