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Dans cette affaire hors normes jugée à partir du 24 février devant la cour criminelle du Morbihan, « les institutions n'ont pas joué leur rôle pour protéger les enfants », observe Sonia Bisch, fondatrice du collectif Stop aux violences gynécologiques et obstétricales (StopVOG).
« On le constate encore actuellement. Il n’y a pas suffisamment de sanctions contre les médecins déviants », ajoute-t-elle.
Au premier jour du procès portant sur des violences sexuelles commises entre 1989 et 2014, période durant laquelle Joël Le Scouarnec a exercé dans une douzaine d'établissements de l'ouest de la France, ce collectif et d'autres associations et collectifs participeront à deux rassemblements prévus à Vannes et à Paris pour dénoncer l'attitude de l'Ordre des médecins.
L'Ordre sera partie civile aux côté des victimes, alors qu'il est régulièrement accusé d'inaction face à des plaintes ou signalements de victimes.
En 2019, la Cour des comptes elle-même avait relevé ses insuffisances dans ce domaine. Les conseils départementaux de l'Ordre « prennent rarement l'initiative » de procédure disciplinaire contre les médecins accusés d'agressions, « s'associent peu » aux plaintes des patients et « manquent de diligence » pour transmettre l'information sur les mis en cause, avait épinglé la Cour.
54% des praticiens ont connaissance de délits ou crimes commis par un de leur confrère
Pire encore, selon les associations, l'Ordre n'hésite pas à s'en prendre aux médecins qui signalent des comportements délictueux de confrères, en les sanctionnant pour « non-confraternité ».
Très récemment, deux médecins lanceuses d'alerte dans une affaire de dialyses abusives « ont été condamnées par l'Ordre à un mois de suspension d'exercice avec sursis » pour ce motif, s'indigne Yvanie Caillé, fondatrice de l'association de défense des malades du rein Renaloo.
Secoué par les conclusions de la Cour des comptes, l'Ordre national des médecins met aujourd'hui en avant ses efforts pour mieux éliminer les médecins outrepassant les règles, tout en reconnaissant que « du chemin reste à parcourir ».
L’Ordre a lui-même publié en novembre une enquête montrant l'ampleur des violences sexistes et sexuelles chez les médecins : 54% des praticiens avaient déjà eu connaissance de faits de ce type commis par un de leur confrère. Des outils ont été mis en place pour mieux suivre les plaintes déposées contre des médecins dans les ordres départementaux et intervenir si rien ne bouge.
Et il réclame de pouvoir, si nécessaire, consulter le casier judiciaire des praticiens et le fichier des auteurs d'infractions sexuelles ou violentes.
Mais dans l'affaire Le Scouarnec, l'Ordre n'est pas le seul mis en cause.
Une commission d’enquête comme dans l’Église demandée
« La plupart des institutions ont été défaillantes : l'Agence régionale de l'hospitalisation (devenue aujourd'hui ARS) a été interpellée » sur ce chirurgien dont certains connaissaient ou soupçonnaient sa pédocriminalité, « c'est remonté jusqu'au ministère... » sans effet, affirme la Dr Lisa Martin, membre du Syndicat de la médecine générale (SMG). « Les hôpitaux ont aussi du travail à faire », ajoute-t-elle.
« Quand on lit les guides juridiques d'associations de patients pour les aider face aux erreurs ou aux violence médicales, on découvre un sac de nœuds incroyable. La multiplication des interlocuteurs entraine une dilution des chances d'obtenir une réparation », confirme Manon Thomas, du SMG.
Lisa Martin réclame une « commission d'enquête » sur les violences sexuelles médicales, « comme il y en a eu une dans l'Église ». « C'est un peu la même situation, avec des personnes qui ont besoin d'aide face à des personnes en position dominante », ajoute-t-elle.
Le Dr Thierry Baubet, psychiatre, membre du collège directeur de la Ciivise (Commission indépendante sur l'inceste), confirme que le milieu du soin devrait faire l'objet d'une enquête indépendante sur les violences sexuelles sur les enfants, comme d'autres milieux professionnels en lien étroit avec les enfants - protection de l'enfance, éducation ou sport.
« Les psy que nous sommes ont tous des récits de patients, surtout des patientes, évoquant des violences ou des comportements équivoques » de soignants, rapporte-t-il.
Avec AFP