Immersion à bord d’un navire

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Les interventions médicales en milieu maritime sont malheureusement fréquentes, et particulièrement compliquées à gérer du fait de l’isolement et des conditions environnementales. Pour s’y préparer, les médecins et les gens de la mer recoivent des formations spécifiques, qui utilisent la simulation sous (presque) toutes ses formes.

Immersion à bord d’un navire

Pas facile de garder son sang-froid et d’examiner un patient quand le plancher s’incline d’un côté, puis de l’autre, sous l’action de vagues de plusieurs mètres, que le bruit des moteurs rend l’auscultation quasi impossible, et qu’il règne une odeur de poisson mêlée à celle du mazout… Bienvenue à bord d’un bateau de pêche dans lequel un blessé souffre en attendant son évacuation par hélicoptère après conditionnement par le médecin du SMUR maritime !

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Des formations très spécifiques

Pour se préparer à ce genre de situation, les médecins et infirmiers du SMUR peuvent suivre le DU de médecine maritime de Brest, ou le DESIU (DES inter-universitaire) d’aide médicale d’urgence en milieu maritime d’Aix- Marseille. Le Dr Brice Loddé, du service de santé au travail du CHRU de Brest, est également responsable du DU de médecine maritime, fondé en 1997 pour répondre au besoin de formation des médecins civils travaillant pour le service de santé des gens de la mer.

Le DU est passé sous la direction du CESIM-Santé (le centre de simulation de l’Université de Bretagne-Occidentale) depuis 4 ans. « La simulation est utilisée depuis très longtemps en médecine maritime, initialement pour former les officiers de marine, qui doivent être capables de réaliser un certain nombre de gestes puisqu’il n’y a pas de médecin à bord » explique Brice Loddé.

Immersion à bord d’un navire de pêche

En plus des habituels mannequins de tâches et mannequins haute-fidélité, le CESIM-Santé s’est doté en décembre 2017 d’une plate-forme recréant l’atmosphère à bord d’un navire : écrans diffusant des vidéos de l’intérieur d’un bateau, vibrations et bruits de moteur…

« Nous travaillons à améliorer le réalisme de la plate-forme, notamment en reproduisant les mouvements et l’ambiance olfactive d’un navire de pêche. S’entraîner dans les conditions spécifiques d’une intervention en mer permettra d’aguerrir les médecins qui se destinent à la médecine embarquée ou aux urgences maritimes ».

Et simulation en conditions réelles

Cette année, les étudiants de la filière « urgences maritimes » du DU ont eu droit à une simulation grandeur nature, sur la base navale de Brest. Cette reproduction d’un accident à bord d’un bateau avec mise en place d’un poste médical avancé a réuni tous les intervenants de la chaîne de secours : pompiers, militaires, services d’urgence, et même le préfet maritime. « Cet exercice est malheureusement coûteux et son organisation compliquée, notamment à cause des autorisations qu’il faut obtenir. Nous ne sommes donc pas sûrs de pouvoir le reproduire » se désole Brice Loddé.

Claustr-eau-phobes s’abstenir…

Un autre type de plate-forme est déjà utilisé pour l’entraînement des smuristes, qui doivent parfois être hélitreuillés sur un navire : il s’agit d’une cabine reproduisant l’habitacle d’un hélicoptère, affectueusement surnommée « la gloute », qu’on immerge dans une piscine. Les aspirants à la validation du module HUET (Helicopter Underwater Escape Training), attachés dans leur fauteuil à l’intérieur, apprennent à s’en extraire*, afin d’être capables de réagir en cas d’accident de l’appareil des secours.
Voilà qui nous rappelle que la simulation optimise les prises en charge mais prévient aussi les imprévus auxquels peuvent être confrontées les équipes !

De l’identification des risques à la prévention

Lors de l’édition 1992-93 du Vendée Globe, le navigateur Bertrand de Broc se recousant la langue devant un miroir, au milieu d’une mer déchaînée, en suivant les conseils d’un médecin situé à des centaines de kilomètres de lui, a marqué les esprits**. Une bonne pharmacie de bord et des compétences de premiers soins sont donc indispensables, que l’on soit coureur au large, marin-pêcheur, officier de marine marchande ou plaisancier en traversée.

Jean-Marc Le Gac, médecin urgentiste ayant travaillé au SMUR de Lorient, a créé MedXtrême. Avec ses collègues, ils forment entre autres les coureurs au large, en utilisant largement la simulation. « Nous avons créé des saynètes complexes avec des acteurs professionnels et des jeux de rôles pour leur apprendre à gérer un blessé à bord et communiquer avec le Centre de consultation médicale maritime (CCMM) de Toulouse. Nous avons par exemple réalisé des simulations de télémédecine avec visio à bord du maxi-trimaran Spindrift, et développé des procédures et des fiches-réflexes pour l’équipage », détaille l’urgentiste amoureux de la mer.

L’étape suivante a été de faire des formations à bord. En effet, pour comprendre les dangers spécifiques auxquels sont confrontés les coureurs, il faut connaître leur environnement et s’y adapter. « Nous avions organisé une simulation de chute à l’avant d’un maxi-trimaran, et prévu de mettre le blessé à l’abri à l’intérieur. Mais quand il a fallu le descendre en immobilisant le rachis, on s’est rendu compte que l’échelle était trop raide et étroite ; nous avons donc dû trouver un moyen de le caler à l’extérieur, protégé des mouvements et des embruns ! », raconte Jean-Marc Le Gac. En plus d’apprendre à gérer les urgences, ces formations permettent d’identifier les situations à risque et de faire de la prévention.

Pour lui, la simulation est essentielle : « D’abord ça réveille les participants, contrairement aux Power-Point ; et puis ce qui est très intéressant avec la simu, c’est de pouvoir travailler sur la gestion des équipes, l’organisation du leadership. Pour être efficace il faut un leader identifié, tout comme il ne peut y avoir qu’un seul skipper à bord ! »

* Ce module se déroule au Centre d'étude et de pratique de la survie (CEPS) à Lorient pour les civils, ou au Centre d'entraînement à la survie et au sauvetage de l'aéronautique navale (CESSAN) pour les militaires
** Le médecin était le Dr Jean-Yves Chauve, et il communiquait avec son patient par… télex !

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