« Il faut faire confiance aux médecins pour maintenir leurs connaissances à jour »

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En février dernier, le gouvernement a mis en avant sa volonté de mettre en place un réel processus de recertification des professionnels de santé. L’initiative a fait grincer les dents de certains médecins francais. Et pourtant, un petit tour d'horizon à l’international montre que les praticiens anglo-saxons notamment ont des obligations bien plus lourdes.

« Il faut faire confiance aux médecins pour maintenir leurs connaissances à jour »

« Non à la recertification ». Tel était le titre, pour le moins lapidaire, d’un communiqué publié par la Confédération des syndicats médicaux français (CSMF) le 11 février. La raison du courroux du principal syndicat de la profession ? L’annonce par le gouvernement de la mise en place, à une date encore indéterminée, d’un mécanisme sanctionnant de manière plus systématique la formation continue des médecins.

Pour le Dr Jean-Paul Ortiz, président de la CSMF, les choses sont claires. « Nous sommes opposés à la recertification parce qu’il y a déjà des choses qui existent en la matière », explique-t-il à What’s up Doc. « Le nier, c’est nier les efforts que les médecins font depuis très longtemps, de façon régulière et structurée, pour améliorer leurs connaissances ».

Toute la question est là : les médecins ont théoriquement l’obligation de se former, mais cette obligation reste en réalité peu contrôlée, et n’amène presque jamais à des sanctions. Les patients doivent-ils s’en remettre à l’intégrité morale de leurs médecins pour qu’ils maintiennent leurs connaissances à jour ?

La revalidation à la sauce anglaise

Cette question, tous les pays ne répondent pas « oui ». En Grande- Bretagne, par exemple, les médecins doivent passer tous les 5 ans par un processus de « revalidation » piloté par le « General Medical Council » (GMC), équivalent british de notre Ordre des médecins.

Comment ça marche ? Chaque médecin est rattaché à une institution (généralement son employeur) qui assure son évaluation périodique en fonction d’un canevas précis. L’évaluation est ensuite envoyée au GMC, qui statue sur le processus de revalidation. Et il ne faut pas croire que le GMC approuve automatiquement toutes les demandes qui lui sont adressées ! D’après son dernier rapport d’activité, entre décembre 2012 et février 2016, l’institution a statué sur près de 180 000 demandes : elle en a approuvé environ 145 000, et a déféré sa décision dans près de 35 000 cas. 406 demandes ont été refusées.

La recertification à l’américaine

Autre exemple : les États-Unis. La certification et la recertification y sont un processus volontaire, mais 85 % des médecins du pays s’y engagent. Les 15 % restants sont principalement de jeunes praticiens n’ayant pas encore accumulé assez d’années d’ancienneté pour pouvoir effectuer leur première demande.

La recertification à l’américaine est gérée par le board de chaque spécialité, et doit intervenir tous les 6 à 10 ans en fonction des disciplines. Elle comprend à la fois un examen des connaissances théoriques (généralement par QCM) et une évaluation des pratiques cliniques. Ce processus, payant pour les médecins, les oblige souvent à se replonger dans les manuels. Ils obtempèrent, mais parfois ne se privent pas de grogner : les critiques à l’encontre de la lourdeur de la recertification sont un refrain bien connu de la presse professionnelle.

En France, une potion bien douce à avaler

Au regard de ce que doivent endurer les médecins anglais et américains, les propositions françaises semblent bien timorées, et on peine à comprendre pourquoi Jean-Paul Ortiz prend la mouche. D’autant que l’Ordre, appelé à piloter la revalidation version hexagonale, a l’intention de manier la carotte plutôt que le bâton.

« Il ne s’agira pas d’un exercice de contrôle, mais d’un exercice de promotion », expliquait son président, le Dr Patrick Bouet, lors de la présentation de ses propositions pour l’avenir de la santé en début d’année. Même son de cloche du côté du ministère de la Santé : « ce processus sera organisépar les professionnels eux-mêmes et il ne sera en aucun cas un dispositif de re-diplomation », assure à What’s up Doc le cabinet de Marisol Touraine. Alors, qui a peur de la grande méchante recertification à la française ?

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À quand une recertification fondée sur les résultats atteints par les médecins ?

Se former pour maintenir ses connaissances à jour : un minimum que certains estiment insuffisant. C’est notamment le cas de l’International Consortium for Health Outcomes Measurement (ICHOM), un think-tank international qui milite pour la mesure des résultats finaux en santé. « Vous pouvez mener votre cheval à la rivière, mais vous ne pouvez pas le forcer à boire », explique le Dr Thomas Kelley, son vice-président. « Envoyer les médecins dans des conférences, c’est bien, mais ce qui importe, c’est qu’ils respectent les normes dans leur pratique quotidienne ».

Pour cela, une seule solution : mesurer les résultats. « Bien sûr, ce n’est pas simple », reconnaît Thomas Kelley. « Mais personne ne veut devenir incontinent après une chirurgie de la prostate. C’est un résultat commun, très important que l’on peut mesurer et utiliser ». Et le vice-président de l’ICHOM est catégorique : oui, il est souhaitable d’intégrer ce genre d’indicateur dans un processus de recertification. À quand une recertification fonction, par exemple, du taux de reprise pour les chirurgiens ?

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