Après le SPH (Syndicat des Psychiatres des Hôpitaux), c’est au tour de l’Association des secteurs de psychiatrie en milieu pénitentiaire (ASPMP) de se porter devant le Conseil d’État pour demander l'annulation du décret du 23 mai 2018 relatif au fichier Hopsyweb.
Censé prévenir la radicalisation des patients, l’outil autorise les agences régionales de santé (ARS) à mettre en œuvre des traitements de données à caractère personnel (assurés par le logiciel Hopsyweb), de personnes faisant l'objet de soins psychiatriques sans consentement.
Le décret allonge de un à trois ans la durée de conservation des données de toute personne ayant pu être concernée par un internement psychiatrique et centralise des données auparavant éparpillées dans les départements. Le SPH y voyait en juin dernier l’instauration d’un « casier psychiatrique » qui correspondait à une tendance de fond : la « banalisation de l’étau sécuritaire appliqué ces derniers temps à la psychiatrie publique ».
Quant à l’ASPMP, elle dénonçait « un fichage des patients » et la tentation d'une « psychiatrie policière ». C’est la raison pour laquelle l’association vient de déposer une "intervention volontaire" auprès du Conseil d'État pour demander l'annulation du décret Hopsyweb, en soutien du recours exercé par le SPH.
Des citoyens de troisième zone
L'ASPMP soutient tous les arguments du recours du SPH, qui avance notamment que les personnes hospitalisées en psychiatrie directement concernées par le décret Hopsyweb sont considérées comme des citoyens de seconde zone. Sauf que, « lorsqu’il s’agit de personnes détenues », l’approche du Décret les considère comme des citoyens de « troisième zone », renchérit l'ASPMP.
En effet, « le non-respect de la dignité humaine avec des risques de stigmatisation est particulièrement important pour les personnes détenues (…) dont les moyens d’action, d’accès à l’information, de dépendance à l’environnement pénitentiaire, les rendent encore plus vulnérables », estime l'ASPMP.
Comme le SPH, l'ASPMP considère également que le décret « porte une atteinte grave à la vie privée des personnes en soins psychiatriques sans consentement et aux professionnels intervenant dans la procédure », d’autant plus que la durée de conservation des données est « excessive ».
Violation du secret médical
En outre, le décret entraîne « une violation du secret médical et porte atteinte au statut des praticiens hospitaliers », dénonce l’ASPMP qui s’oppose également à l’utilisation de dispositifs pénitentiaires (GENESIS et DOT) susceptibles de « remettre en cause le secret médical en prison et l’indépendance professionnelle des soignants ».
Enfin, l'ASPMP va plus loin que le SPH dans son "intervention volontaire", puisqu’elle ajoute des arguments supplémentaires liés aux particularités inhérentes aux personnes détenues. En particulier les patients qui, par manque de place en UHSA (Unité d'Hospitalisation Spécialement Aménagée) en service libre sont hospitalisées en soins psychiatriques sur décision du représentant de l'Etat (SDRE) et font donc l’objet d’un recensement dans Hopsyweb.
Hospitalisées « le sont souvent pour risque suicidaire », ces personnes « sont consentantes dans la très grande majorité des cas pour une hospitalisation » et « ne représentent pas dans ce cas un trouble à l’ordre public ni ne mettent en cause la sureté des personnes », estime l'ASPMP qui tire la conclusion suivante :
« Le fichier Hopsyweb stigmatise les personnes détenues consentant à leur hospitalisation en milieu psychiatrique, ne mettant pas en jeu la sureté des personnes, ni ne troublant gravement l’ordre public ».