CLAIRE LE JEUNNE

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PU-PH, chef de service de médecine interne à l’hôpital Cochin à Paris.

CLAIRE LE JEUNNE

La première fois où…

…tu as voulu faire médecine ?

Depuis toujours ! Il n’y a pas de médecins dans ma famille, mais c’était évident pour moi. La dimension d'ouverture aux autres m’a toujours plu.

 

…tu as examiné un patient ?

C’était à l’hôpital Laennec en 1973. À l’époque, il y avait encore des salles communes ! Le chef de service nous montrait comment examiner un ulcère variqueux monstrueux. Il avait mis ses doigts dedans, avec ses ongles noirs ! J’en ai un souvenir très précis : ce jour-là, je suis tombée dans les pommes.

 

…tu as été de garde ?

Les premières gardes aux urgences ont causé ma plus grosse appréhension ! On se sent responsable car seul médecin à bord de l’établissement. On a des décharges folles d’adrénaline ! On avait peut-être trop de responsabilités, sans repos de sécurité, avec des journées de 36 h… Autre époque.

 

…tu as voulu faire ta spécialité ?

J’ai fait médecine interne parce que je ne voulais pas devenir spécialiste de l’espace PR sur l’ECG. Je voulais prendre en charge les gens dans leur globalité. J’ai fait de la recherche en pharmacologie, ce qui reste assez généraliste au sein de la médecine interne. Même si j’ai beaucoup d’intérêt pour la diabétologie, le diagnostic d’une fièvre inexpliquée m’intéresse tout autant. J’aime beaucoup le côté Sherlock

Holmes de cette spécialité !

 

…tu as envisagé une carrière hospitalo-universitaire ?

J’ai été un peu poussée, entraînée par mes chefs de service. Après mon internat, j’ai commencé à faire un DEA, puis des publications en pharmacologie sur, entre autres, la diffusion systémique des médicaments à visée oculaire. C’était le début des bêtabloquants, avec énormément d’effets indésirables !

Après, j’ai eu l’HDR (habilitation à diriger des recherches), un poste de maître de conf'… et voilà, les choses se sont profilées petit à petit sans être vraiment décidées. En fait, je ne suis pas tombée dans la marmite universitaire en me disant, un jour, je serai prof. Non, pas du tout, ça n’a jamais été une évidence pour moi.

 

…tu as eu raison contre ton chef ?

En tant qu’interne, au sujet d'un travail de recherche sur lequel je n’étais absolument pas d’accord parce qu'il posait des problèmes éthiques. Je m’y étais opposée ! Mais je préfère ne pas en dire davantage…

 

La dernière fois où…

…tu n’as pas su faire ?

En consultation de médecine interne, on nous envoie régulièrement des moutons à 5 pattes avec 2 valises de radios. Tous les cas compliqués sont discutés en staff. Les orientations sont décidées collectivement. C’est un peu le propre de notre spécialité d'être organisée pour gérer ce type de situations cliniques. Du coup, je n’ai pas vraiment de souvenir cuisant…

 

…tu as été émue par un patient ?

Je reste assez facilement émotive. Quand ce sont des jeunes gens qui ont un pronostic sévère, quand on voit un couple et qu’on sent à quel point celui qui va rester seul est totalement démuni et désemparé… Mais ce qui m’a le plus touché dans mon existence, c’est le sida. Quand j’étais chef de clinique, on avait énormément de patients VIH, des gens souvent de notre âge, qui mouraient à la pelle, et ça… ça, c’était extrêmement dur.

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