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Qualifié par un avocat des parties civiles de « lanceur d'alerte », le Professeur Christophe Lançon a fait le récit mardi de cette chronique d'un scandale annoncé, devant la cour d'Aix-en-Provence.
En mars 2013, Marc Adida se rebelle violemment face aux gendarmes à son domicile, après un épisode maniaque lors duquel il tente d'étrangler son épouse. Mais, sorti de trois mois d'hospitalisation d'office, il est jugé « apte » à exercer à nouveau la médecine, sans autre garde-fou que se plier à une nouvelle expertise un an plus tard.
Pour sa désormais ex-épouse, entendue mardi, assise à côté des victimes, à qui elle a apporté son « soutien », l'accusé est pourtant « un manipulateur extrêmement dangereux, (avec) un trouble de la personnalité proche de la psychopathie, (qui) utilise les personnes comme des objets ».
Apte donc, Marc Adida se voit « confier alors la partie la plus complexe et la plus difficile de la psychiatrie marseillaise », à l'hôpital Sainte-Marguerite, s'étonne Christophe Lançon à la barre des témoins.
Entre les deux médecins, le climat est de plus en plus violent, Marc Adida accusant son confrère d’être l'amant de son épouse et même le père de sa fille.
« D'autres collègues avaient peur de lui. En 2013/2014, je suis allé voir vingt fois les responsables de cette institution pour leur dire que les patients, les personnels, ma famille, moi-même étaient en danger », raconte Christophe Lançon, qui a travaillé 14 ans au même étage que ce confrère diagnostiqué bipolaire.
En décembre 2014, il tire la sonnette d'alarme en écrivant à Marisol Touraine, ministre de la Santé, au directeur de l'AP-HM et au procureur de la République. Il évoque alors des situations d'emprise exercées par son collègue sur des patients et des prescriptions démentes d'un dérivé d'amphétamine aux étudiants, allant jusqu'à une posologie près de trois fois supérieure au maximum autorisé.
« J'ai peur de mon fils », la mère de Marc Adida confie avoir été menacée de mort
Pour lui, plus que de troubles bipolaires, Marc Adida « souffre de conduites addictives, non pas permanentes, mais massives » aux médicaments, aux stupéfiants et à l'alcool.
En 2016, une patiente informe Christophe Lançon que Marc Adida la viole lors des consultations et a même tenté de la tuer en l'étouffant. Une fois encore, celui qui se qualifie de « pestiféré de l'institution » affirme avoir sonné le tocsin auprès de « toutes les personnes en responsabilité »
Mais la rétractation de la victime, qui avait déposé plainte, se solde par un classement sans suite par le parquet et met fin à la suspension de l’accusé, qui est alors affecté dans le service du Pr Jean Naudin. Ce même collègue qui, en 2013, avait signé son hospitalisation d'office.
Ce chef de service explique à la cour avoir organisé une « surveillance » de son collègue, en demandant aux secrétaires et aux personnels de sécurité d'être attentifs.
« N'est-ce pas prendre un risque inconsidéré, connaissant ces oscillations de l'état de Marc Adida, entre phases exaltées et phases déprimées ? », questionne le président de la cour, Roger Arata.
A la barre, Jean Naudin confesse : « J'ai été présomptueux de croire que j'allais maîtriser les choses ».
Mais, en le déclarant, une seconde fois, apte à exercer la médecine, une expertise de trois médecins nommés par le conseil de l'ordre des médecins a fait fonction de blanc-seing. A l'époque chef du pôle de la psychiatrie à l'AP-HM, le Pr Jean-Claude Samuelian livre un aveu d’impuissance : « Sur l'histoire du viol, on était très embêté, mais à partir du moment où la plainte est classée sans suite, on ne pouvait rien faire ».
Avec l'annonce de ce procès, « nous avons été destinataires de courriers de personnes se disant victimes », souligne alors le président Arata, suggérant « un phénomène ancien et plus global ».
Puis le magistrat lit la déposition de la mère de l'accusé, âgée de 80 ans, devant les enquêteurs : « Marc n'a pas sa place en prison mais à l'hôpital psychiatrique. J'ai peur de mon fils. Il m'a dit que j'étais la seule à l'avoir admiré et que je serai la première à être tuée ».
Dans le box, pour la première fois, son fils s'effondre, en pleurs.
Avec AFP