
Le Dr Marc Adida, psychiatre hospitalier à l'AP-HM © Le Point
« Les dysfonctionnements ont été nombreux, c’est une évidence », reconnaît aujourd’hui François Crémieux, directeur général de l’AP-HM, qui assure avoir découvert l’ampleur de l’affaire au moment des révélations de La Provence, en mai dernier.
En effet, le dossier est édifiant. L’enquête du journal Le Point, révèle comment la réputation de ce psychiatre de 51 ans, très respecté par ses pairs, lui a permis d’œuvrer en toute impunité, malgré les inquiétudes de ses collègues et les signalements successifs.
Parmi les plaignantes, Élise, 19 ans au moment des faits, déclare en 2020 avoir subi des viols de la part de son psychiatre. Cette plainte s’ajoute à une autre, déposée deux mois plus tôt, pour agression sexuelle.
Au cours de l’information judiciaire, deux autres plaintes pour viols et agressions sexuelles présumés commis en 2016 et 2019, sont encore ajoutées au dossier.
Les enquêteurs découvrent également d’autres relations que le médecin entretenait avec ses patientes, teintées d’emprise et d’abus.
Un signalement dès 2010
Ils apprennent aussi que ses collègues éprouvaient un malaise persistant par rapport au comportement, parfois déroutant, du Dr Adida. « On voyait qu’il n’allait pas bien, le midi on avait parfois l’impression de déjeuner avec un patient », explique une ancienne collègue psychiatre, qui comme d’autres, s’étonne que rien n’ait été mis en œuvre pour le tenir éloigné des patients.
Car dès 2010, un signalement est fait à propos d’une consultation « dramatiquement ubuesque » vécue par une jeune fille de 17 ans.
Malgré son caractère inquiétant, l’expertise psychiatrique réalisée, la première d’une longue série, déclarera le médecin apte à exercer.
À l’époque déjà, les confrères de Marc Adida s’interrogent sur les liens privilégiés qu’il semble entretenir avec les patrons de la psychiatrie marseillaise. « Ils le considéraient comme le nouveau génie de la discipline, il était devenu intouchable », raconte cette même ancienne collègue.
Viol, délires et vol de carte SIM
Deux autres jeunes femmes accusent le psychiatre de violences sexuelles, et ce, malgré un rapport envoyé au CNOM le 6 octobre 2015 déclarant le Dr Adida « inapte à exercer la médecine », suite à plusieurs épisodes psychotiques.
Pourtant, rien n’est fait pour éviter les violences sexuelles qu’il fait subir à Marie*, trois semaines plus tard.
Suivie par le psychiatre depuis cinq ans, la jeune femme est amoureuse de lui. Ce soir-là, lorsqu’elle lui rend visite, Marc Adida semble agité, parlant de la fin du monde et des « anges déchus ». Après l’avoir embrassée et insisté pour un rapport bucco-génital, il la conduit dans un hôtel et la pénètre violemment, emportant au passage sa carte SIM en lui assénant que « les anges » ne doivent pas la contacter.
La semaine suivante, Marie retourne voir le médecin pour récupérer sa carte SIM et subit un nouveau viol. Le médecin menace même de lui « éclater la cervelle », selon son témoignage dans Le Point.
« Les passages à l'acte sont à séparer des troubles psychiques »
L’ex-épouse du Dr Adida décrit elle-même un homme passionné mais très possessif, qui instaure progressivement avec elle une relation d'emprise. Il l'isole de ses proches, la culpabilise, multiplie les gestes violents et les chantages au suicide. Elle raconte aussi qu’il lui impose des traitements médicamenteux qui, parfois, la mènent jusqu'au black-out.
Un discours que reprendra plus tard une autre des compagnes du médecin, une jeune interne, qui rapportera avoir été harcelée, battue et violée alors qu'elle était quasi inconsciente, shootée aux somnifères.
Le médecin, bien qu’il ait été diagnostiqué bipolaire, conteste souffrir du moindre trouble psychiatrique. Il se reconnaît toutefois un TDAH, pour lequel il consommait en grande quantité de la Ritaline, un psychostimulant classé parmi les stupéfiants. En dépassant les doses recommandées, il s’exposait à des effets indésirables, dont notamment des troubles psychotiques, des délires et hallucinations…
Dans ce dossier, l’attention sera portée sur le rôle qu’a joué l’état psychiatrique de Marc Adida dans les faits pour lesquels il est accusé. Pourtant, selon une ancienne psychiatre de l’hôpital où il exerçait, c’est clair : « les passages à l’acte sont à séparer des troubles psychiques. S’ils étaient seuls en cause, Marc se serait comporté de la même façon avec toutes les femmes. Curieusement, son hypersexualité s’exprimait le soir avec des gamines fragiles, et pas à 14 heures avec moi, qui pouvait le rembarrer… »