
Déjà évoqué par le passé, lors de la conférence de presse de ce 23 septembre, le président de la Mutualité Française, Éric Chenut, a lancé officiellement les États généraux de la santé et de la protection sociale.
Cette année, la Sécurité Sociale fête ses 80 ans. Chère au cœur des citoyens, 84% des Français pensent que le montant colossal du déficit de la Sécu peut remettre en cause sa pérennité. Il est donc temps d’agir.
Pour combler ce déficit, « ce n’est pas en tapant au portefeuille des français qu’on va les responsabiliser, affirme Éric Chenut. Il faut changer de paradigme. »
L’accès au soin, enjeu prioritaire
Le Carnet de Santé 2025 montre que près de deux Français sur trois (65 %) déclarent avoir dû renoncer à des soins au cours de l’année écoulée, un chiffre en progression constante depuis plusieurs années.
En effet, 84 % des patients estiment qu’il est difficile d’obtenir un rendez-vous rapide chez un spécialiste, contre 77 % en 2024. Même la médecine générale, longtemps perçue comme un recours accessible, devient un parcours du combattant : 41 % des sondés disent peiner à consulter un généraliste dans des délais raisonnables, contre seulement 22 % en 2017.
Dans les territoires ruraux, où 87 % de la population vit désormais en désert médical, ces difficultés s’aggravent, avec des habitants contraints de parcourir de longues distances pour recevoir des soins.
Mais la contrainte financière reste également un frein majeur. Plus d’un tiers des renoncements s’expliquent par un reste à charge jugé trop élevé ou par l’impossibilité de faire face aux frais annexes (transport, dépassements d’honoraires, soins dentaires ou optiques). En 2024, 74% des nouveaux médecins se sont installés en secteur 2. À ce jour, sur la totalité des praticiens en exercice seul 44% sont conventionnés en secteur 1.
Par ailleurs, Éric Chenut réaffirme son opposition quant à l’augmentation des franchises médicales.
Les jeunes adultes et les ménages modestes sont ceux qui renoncent le plus aux soins médicaux pour motif financier, creusant encore plus les inégalités sociales de santé, malgré la couverture complémentaire généralisée.
Agir pour la prévention
Face à ces difficultés d’accès et de financement, un levier d’action majeur reste pourtant largement sous-exploité : la prévention.
La France y consacre seulement 3,9 % de ses dépenses de santé, bien en deçà de la moyenne européenne (5,5 %). Cette faiblesse structurelle a des conséquences directes sur l’état de santé de la population.
L’obésité touche désormais 10 millions d’adultes (18 % de la population) et, cumulée au surpoids, concerne près d’un Français sur deux. L’inactivité physique est également préoccupante : 95 % des adultes présentent un risque sanitaire lié à la sédentarité, et entre 40 000 et 50 000 décès annuels sont imputables à ce mode de vie.
La santé mentale aussi illustre ce manque d’investissement préventif. Près d’un Français sur deux a déjà été confronté à un trouble psychologique, et la jeunesse est particulièrement affectée : 54 % des 18-24 ans déclarent avoir souffert de problèmes de santé mentale, tandis que les hospitalisations pour gestes auto-infligés explosent chez les adolescentes.
Or, 84 % des Français considèrent qu’il faudrait développer la prévention en santé mentale pour réduire le déficit de la Sécurité sociale. Pour l’instant, les actions restent trop ponctuelles et insuffisantes, là où une stratégie nationale ambitieuse pourrait éviter une partie de ces coûts humains et financiers.
Les Français eux-mêmes identifient leurs priorités : améliorer l’alimentation (37 %), accompagner le vieillissement (31 %) et favoriser l’activité physique (30 %). La prévention est jugée essentielle par la population mais reste le parent pauvre des politiques publiques.
Des propositions concrètes
Si ce Carnet de santé apporte un constat, la Mutualité Française tient à faire des propositions concrètes. Premièrement, « il faut envisager les prestations de prévention comme des prestations à part entière, non pas comme des frais de gestion » expose Éric Chenut. C’est-à-dire qu’il ne faut plus classer la prévention dans les frais de gestion qui sont étroitement surveillées par les pouvoirs publics et souvent appelées à être réduits pour afficher une bonne maîtrise des coûts. Il s’agit au contraire de la considérer comme un véritable soin, essentiel au système de santé.
Deuxièmement, la Mutualité Française demande « un échange de données de santé pour coordonner l’accès au soin et réduire le renoncement. » Il faudrait utiliser le partage sécurisé d’informations médicales pour mieux organiser le parcours médical des patients, éviter les pertes de temps ou la répétition d’examens, ce qui limiterait le renoncement de soins.
Troisième proposition le président de la mutualité plaide aussi pour un « portage interministériel de la prévention », soit une coordination entre plusieurs ministères afin que la prévention ne relève pas seulement de la Santé mais devienne une véritable politique publique transversale.
Éric Chenut rappelle vouloir lutter efficacement contre la fraude, chose pour laquelle la Mutualité Française déposera bientôt un projet de loi. Entre autres, si cette loi est votée, la lutte contre la fraude sera reconnue légalement et leur permettra de débloquer des leviers d’actions. Là encore, définir un cadre juridique pour échanger des données entre la sécurité sociale et les complémentaires santé permettrait de mieux déceler les fraudeurs.