Cet été, le manque de médecins risque de tuer

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A Nérac, les urgences sont fermées. A Reims, le service de médecine interne a dû réduire le nombre de lits. A Paris, l’AP-HP peine à recruter. Dans la Manche, les urgences de Falaise risquent d’ouvrir puis de fermer puis de rouvrir en fonction des effectifs qui vont varier tout l’été. Partout, les services hospitaliers manquent de bras. 

"C’est pas comme si nous n’avions pas alerté depuis plus de deux ans, lâche Emmanuelle Seris, urgentiste dans le Grand-Est et porte-parole de l’Amuf (Association des médecins urgentistes de France). On y est maintenant. C’est un crash sanitaire total. C’est la première fois que l’on se retrouve dans une situation de ce type”. Avant la crise sanitaire, 30% des postes de PH étaient vacants et avec l’épuisement de la profession, les prochains mois ne devraient guère être mieux. 

"Cette situation n’est pas prête de s’arranger, continue Emmanuelle Seris. Je pense que nous avons été très nombreux à être déçus du Ségur" Après plus d’un an et demi de crise sanitaire, les démissions et les départs en retraite s’enchaînent et les remplacements ne sont pas assurés. “Aujourd’hui, l'hôpital tient sur la bonne volonté de certains et certaines mais si les politiques continuent à parler de télémédecine et de soins ambulatoires comme solutions, on ne va jamais s’en sortir.”

 

“La médecine n’a plus rien d’humain”

Dans son hôpital, même en temps de pandémie, le nombre de patients et patientes qui viennent aux urgences a continué de progresser. "Un tiers de celles et ceux qui viennent aux urgences commencent par s’excuser d’être ici et ajoutent qu’ils n’ont pas de médecins traitants ou que le rendez-vous est dans un mois."

Selon les chiffres de l’Assurance maladie, les généralistes ont en moyenne, en France, 2.000 patients. Une moyenne qui grimpe à 4.000 pour les généralistes installés à Mayotte. Résultat, près d’un médecin traitant sur deux refuse de nouveaux patients, selon l’UFC-Que Choisir. “Clairement, aujourd’hui, la médecine n’a plus rien d’humain. On nous demande d’aller vite, tout ce qui compte ce sont les chiffres. Et cette politique-là, elle tue. Le manque d’accès aux soins est une réelle inégalité en termes de chances de survie et de mortalité”, souligne Emmanuelle Seris

Dans son cabinet d’Istres, Michel Sciara, lui est à bout. “Cette année, je n’ai pas réussi à trouver de remplaçant ou de remplaçante.” Depuis plusieurs années, aucune nouvelle installation n’a été enregistrée et le nombre de généralistes est passé de 45 à 22. “Les médecins ne partent pas à la retraite pour permettre à leur patientèle de continuer à être pris en charge. Mais au-delà de 35 patients par jour, ce n’est plus gérable.”

 

“Une énorme catastrophe”

Avec la quatrième vague qui se dessine et les cabinets médicaux fermés, il pressent une “énorme catastrophe”. “Je n’ai pas de solution pour mes patients. Du coup j’ai laissé mon numéro à certains mais oui on va avoir de la casse et des morts.” Comme lui, beaucoup décrivent cette fatigue après deux ans sans vacances et sans avoir l’impression d’être écoutés par les autorités. “On a répondu présent à chaque fois, mais aujourd’hui, moi je pleure des amis et des proches morts du covid, et j’ai besoin de souffler un peu si je veux pouvoir être là pour mes patients dans dix jours.”, admet Michel Sciara.

Même fatigue dans la voix de Camille Borderes, remplaçante dans deux cabinets du côté de Pau. “Cette année, la demande est plus forte parce que beaucoup de remplaçants ont été sollicités par les centres de vaccinations mais aussi parce que tout le monde est à bout.” Entre annulations de dernières minutes pendant le premier confinement et remplacements au pied levé, l’année sous covid-19 l’aura épuisée. “J’ai travaillé en Ehpad en mars 2020 et depuis, je n’arrête pas. On est toujours à éponger la déprogrammation des soins et ses conséquences.” 

 

Des fermetures de maternité faute de sages-femmes

Les hôpitaux et les généralistes ne sont pas les seules professions médicales à subir, cet été, une pénurie. Les spécialistes voient leur journée s'allonger ; dans les hôpitaux, les infirmiers et infirmières manquent et certaines sages-femmes voient leur demande de congés refusée. Des maternités ferment quand d’autres refusent les grossesses pathologiques faute de bras pour assurer les quelque 120.000 naissances programmées en France. 

On a été très échaudé cette année, explique Aurélie Rochette, présidente de l’URPS sage-femme en PACA. Nous avons été oubliées de toutes les mesures covid mises en place. Par exemple, pour la vaccination, le gouvernement a autorisé les vétérinaires à piquer avant de nous le permettre à nous, les sage-femmes.” Pêle-mêle, elle s'insurge contre les congés refusés en hôpital, faute de remplaçantes ; les bas salaires; le manque de considération et de la fatigue qui gagne la profession. “On est arrivé à un point de rupture sans précédent pour ce qui est censé être le plus beau métier du monde.” 

Alors que les sage-femmes n’étaient que 10 % à se tourner vers le libéral en 2010, d’ici 2030, la Dress table sur plus de 70 %. L’Ordre des sages-femmes avertit lui que  “sans réaction des autorités, l'été 2021 pourrait être dramatique” puisque “les effectifs réduits ne permettent plus de garantir la sécurité des patientes”.

Une manière, là encore, de rappeler que les conditions de travail actuelles mettent en danger les soignant·es comme les patient·es. 

A Nérac, les urgences sont fermées. A Reims, le service de médecine interne a dû réduire le nombre de lits. A Paris, l’AP-HP peine à recruter. Dans la Manche, les urgences de Falaise risquent d’ouvrir puis de fermer puis de rouvrir en fonction des effectifs qui vont varier tout l’été. Partout, les services hospitaliers manquent de bras. 

"C’est pas comme si nous n’avions pas alerté depuis plus de deux ans, lâche Emmanuelle Seris, urgentiste dans le Grand-Est et porte-parole de l’Amuf (Association des médecins urgentistes de France). On y est maintenant. C’est un crash sanitaire total. C’est la première fois que l’on se retrouve dans une situation de ce type”. Avant la crise sanitaire, 30% des postes de PH étaient vacants et avec l’épuisement de la profession, les prochains mois ne devraient guère être mieux. 

"Cette situation n’est pas prête de s’arranger, continue Emmanuelle Seris. Je pense que nous avons été très nombreux à être déçus du Ségur" Après plus d’un an et demi de crise sanitaire, les démissions et les départs en retraite s’enchaînent et les remplacements ne sont pas assurés. “Aujourd’hui, l'hôpital tient sur la bonne volonté de certains et certaines mais si les politiques continuent à parler de télémédecine et de soins ambulatoires comme solutions, on ne va jamais s’en sortir.”

 

“La médecine n’a plus rien d’humain”

Dans son hôpital, même en temps de pandémie, le nombre de patients et patientes qui viennent aux urgences a continué de progresser. "Un tiers de celles et ceux qui viennent aux urgences commencent par s’excuser d’être ici et ajoutent qu’ils n’ont pas de médecins traitants ou que le rendez-vous est dans un mois."

Selon les chiffres de l’Assurance maladie, les généralistes ont en moyenne, en France, 2.000 patients. Une moyenne qui grimpe à 4.000 pour les généralistes installés à Mayotte. Résultat, près d’un médecin traitant sur deux refuse de nouveaux patients, selon l’UFC-Que Choisir. “Clairement, aujourd’hui, la médecine n’a plus rien d’humain. On nous demande d’aller vite, tout ce qui compte ce sont les chiffres. Et cette politique-là, elle tue. Le manque d’accès aux soins est une réelle inégalité en termes de chances de survie et de mortalité”, souligne Emmanuelle Seris

Dans son cabinet d’Istres, Michel Sciara, lui est à bout. “Cette année, je n’ai pas réussi à trouver de remplaçant ou de remplaçante.” Depuis plusieurs années, aucune nouvelle installation n’a été enregistrée et le nombre de généralistes est passé de 45 à 22. “Les médecins ne partent pas à la retraite pour permettre à leur patientèle de continuer à être pris en charge. Mais au-delà de 35 patients par jour, ce n’est plus gérable.”

 

“Une énorme catastrophe”

Avec la quatrième vague qui se dessine et les cabinets médicaux fermés, il pressent une “énorme catastrophe”. “Je n’ai pas de solution pour mes patients. Du coup j’ai laissé mon numéro à certains mais oui on va avoir de la casse et des morts.” Comme lui, beaucoup décrivent cette fatigue après deux ans sans vacances et sans avoir l’impression d’être écoutés par les autorités. “On a répondu présent à chaque fois, mais aujourd’hui, moi je pleure des amis et des proches morts du covid, et j’ai besoin de souffler un peu si je veux pouvoir être là pour mes patients dans dix jours.”, admet Michel Sciara.

Même fatigue dans la voix de Camille Borderes, remplaçante dans deux cabinets du côté de Pau. “Cette année, la demande est plus forte parce que beaucoup de remplaçants ont été sollicités par les centres de vaccinations mais aussi parce que tout le monde est à bout.” Entre annulations de dernières minutes pendant le premier confinement et remplacements au pied levé, l’année sous covid-19 l’aura épuisée. “J’ai travaillé en Ehpad en mars 2020 et depuis, je n’arrête pas. On est toujours à éponger la déprogrammation des soins et ses conséquences.” 

 

Des fermetures de maternité faute de sages-femmes

Les hôpitaux et les généralistes ne sont pas les seules professions médicales à subir, cet été, une pénurie. Les spécialistes voient leur journée s'allonger ; dans les hôpitaux, les infirmiers et infirmières manquent et certaines sages-femmes voient leur demande de congés refusée. Des maternités ferment quand d’autres refusent les grossesses pathologiques faute de bras pour assurer les quelque 120.000 naissances programmées en France. 

On a été très échaudé cette année, explique Aurélie Rochette, présidente de l’URPS sage-femme en PACA. Nous avons été oubliées de toutes les mesures covid mises en place. Par exemple, pour la vaccination, le gouvernement a autorisé les vétérinaires à piquer avant de nous le permettre à nous, les sage-femmes.” Pêle-mêle, elle s'insurge contre les congés refusés en hôpital, faute de remplaçantes ; les bas salaires; le manque de considération et de la fatigue qui gagne la profession. “On est arrivé à un point de rupture sans précédent pour ce qui est censé être le plus beau métier du monde.” 

Alors que les sage-femmes n’étaient que 10 % à se tourner vers le libéral en 2010, d’ici 2030, la Dress table sur plus de 70 %. L’Ordre des sages-femmes avertit lui que  “sans réaction des autorités, l'été 2021 pourrait être dramatique” puisque “les effectifs réduits ne permettent plus de garantir la sécurité des patientes”.

Une manière, là encore, de rappeler que les conditions de travail actuelles mettent en danger les soignant·es comme les patient·es. 

Une pénurie jusqu’en 2035

Cette pénurie de médecins de villes devait durer jusqu’en 2035, souligne la Drees. “C’est l’une des rares professions qui n’est pas réglementée, ajoute Caroline De Pauw, sociologue au Clerse (Centre lillois d’études et de recherches sociologiques et économiques). Donner de l’argent pour inciter les médecins à s’installer ne fonctionne pas. Ce n’est pas une question d’argent mais du nombre de patients et de la surcharge de travail à venir.” 

Pour elle, le problème vient de la répartition des médecins sur le territoire et des politiques de santé publique mises en place depuis plusieurs dizaines d’années. “La médecine générale est une médecine de proximité, une médecine d’écoute et de temps, continue Caroline De Pauw. Pour cela il est nécessaire d’aller bien. Et donc d’avoir du temps pour soi. C’est tout l'inverse aujourd’hui. Et sans relève cet été, la rentrée risque d’être encore plus chaotique que la situation que l’on connaît actuellement.” 

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