Ce que cela pourrait être : de l’intention à l’action
Derrière cette annonce politique, on espère tous des actes concrets. En 2025, cette désignation pourrait se traduire par une augmentation des ressources allouées à la santé mentale, à la fois financières et humaines. Actuellement, les délais pour obtenir un rendez-vous avec un psychiatre ou un psychologue sont dramatiquement longs dans de trop nombreuses régions, et les services hospitaliers sont saturés. L’urgence est d’alléger cette pression par un recrutement massif, à commencer par des postes de psychiatres, infirmiers spécialisés, psychologues, mais aussi de travailleurs sociaux.
On pourrait imaginer une réforme qui facilite l’accès aux soins psychiques dès les cabinets de médecine générale ? Les généralistes, en première ligne, devraient être mieux formés et outillés pour repérer les signes précoces de décompensation, mais aussi mieux coordonnés avec les psychiatres, psychologues et autres professionnels de la santé mentale.
Ce que cela doit être : une révolution dans la prévention et l'accompagnement
Mais la santé mentale ne se limite pas aux situations de crise. Nous espérons qu’en 2025, la France entame un virage vers une véritable « prévention » des troubles psychiques, dès l’enfance et l’adolescence. Il serait crucial que l’Éducation nationale soit impliquée, avec des équipes pluridisciplinaires dans les écoles pour repérer les jeunes en difficulté, pour désamorcer les situations de mal-être avant qu’elles ne dégénèrent en pathologies plus graves. Ce serait aussi l’occasion de déstigmatiser la santé mentale, de l’intégrer pleinement dans la santé publique.
Le remboursement des consultations de psychologues, déjà amorcé en 2022 avec le dispositif "Mon Psy", devrait être élargi et simplifié, pour permettre un accès équitable à des soins psychologiques de qualité pour tous les patients, sans barrière financière.
Ce que nous aimerions voir : une transformation profonde du système
À terme, la grande cause nationale devrait impulser un changement culturel dans la manière dont la santé mentale est perçue et gérée. En 2025, j’aimerais voir émerger un système où l’accompagnement psychologique est considéré comme une composante essentielle de la santé, au même titre que la santé physique. Un système où chaque praticien, du généraliste à l’oncologue, serait formé pour intégrer une approche globale de la santé mentale dans sa pratique quotidienne. C’est un changement de « mindset » fondamental, de là à dire à ce que ce soit faisable et/ou accepté… c’est sans doute une aventure !
Enfin, cette grande cause doit aussi s’accompagner d’une réforme des conditions de travail des soignants. Le **burn-out** médical est une réalité à laquelle nous ne pouvons plus fermer les yeux. Il est temps de nous protéger, nous aussi, en tant que professionnels de santé. La prise en charge des troubles mentaux ne peut se faire que si nous-mêmes avons les outils, les ressources et le soutien nécessaire pour prendre soin des autres. Pourquoi ne pas imaginer un soutien psychologique systématique pour les professionnels de santé en exercice, une sorte de suivi mental proactif ?
Enfin, une cause qui doit mobiliser tous les acteurs…
Faire de la santé mentale la grande cause nationale de 2025, c’est un engagement qui doit être porté par tous les acteurs de la société : professionnels de santé, éducateurs, politiques et citoyens. Mais c’est aussi une responsabilité que nous, médecins, devons prendre à bras-le-corps. C’est une opportunité pour réinventer notre manière de soigner et pour placer l’humain, dans toutes ses dimensions, au cœur de notre pratique. En tant que soignants, en tant qu’acteurs de terrain, il nous appartient de faire de cette grande cause une véritable révolution des soins en France.
Cette cause n’a pas de couleur politique. Elle représente un besoin, comme il existe tant autre. Commençons déjà par celle-ci, il est temps !
Pr Matthieu Durand
Fondateur de What's up Doc