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La pratique de la TDM ne cesse d’augmenter, pourtant elle est loin d'être inoffensive. En effet, de nouvelles données alertent sur ses effets à long terme. C’est le constat inquiétant d’une étude publiée en avril dans JAMA Internal Medicine. Les estimations des cas de cancers provoqués par la TDM (estimés à 103 000 cas en 2023 aux États-Unis) sont fondées sur un modèle de prévision sophistiqué. L’article invite peut-être à repenser l’usage de la TDM, alors que son recours ne cesse de croître. En effet « la tomodensitométrie peut sauver des vies, mais ses effets nocifs potentiels sont souvent négligés », alerte dans un communiqué de presse la première auteure de l’étude, Rebecca Smith-Bindman, MD, radiologue et épidémiologiste à l’Université Californienne de San Francisco.
« Étant donné le volume important d'utilisation de la tomodensitométrie aux États-Unis, de nombreux cancers pourraient survenir à l'avenir si les pratiques actuelles ne changent pas »
Dr Rebecca Smith-Bindman, radiologue à l'université de Californie
Une prévalence alarmante et des populations vulnérables
Selon l'étude, 93 millions de scanners auraient été réalisés en 2023 sur 61,5 millions de patients aux États-Unis. Parmi eux, 4,2 % étaient des enfants et 95,8 % des adultes. Les projections indiquent un risque plus élevé de cancer par examen chez l’enfant, en particulier avant l’âge de 1 an. Le nombre total de cancers induits reste majoritairement plus important chez les adultes, en raison du volume plus important d’examens réalisés dans cette tranche d’âge.
Les cancers les plus fréquemment associés à la TDM seraient :
- Le cancer du poumon (22 400 cas projetés)
- Le cancer du côlon (8 700 cas)
- La leucémie (7 900 cas)
- Le cancer de la vessie (7 100 cas)
En conséquence, les scanners de l'abdomen et du pelvis sont particulièrement pointés du doigt, représentant 37 % des cancers induits pour 32 % du volume total d’examens réalisés.
Notons qu’avec 5 700 cas projetés chez les femmes, le cancer du sein se place au deuxième rang derrière celui du poumon.
Les limites d'un modèle prédictif
Comme le rappelle l’équipe de chercheurs, ces projections sont issues d’un modèle épidémiologique basé sur les données existantes et les connaissances sur les effets de l’irradiation. Elles doivent être interprétées avec prudence car elles reposent sur l’extrapolation de risques observés chez les survivants d'Hiroshima et Nagasaki, et sur des cohortes exposées à des radiations médicales ou professionnelles.
Malgré ces précautions, les chercheurs insistent sur la robustesse de leur approche et sur l’importance d’anticiper les impacts sanitaires futurs.
Une problématique mondiale… et française
Le problème n’est pas circonscrit aux États-Unis. En France aussi, la vigilance s’impose. Selon l'Institut de Radioprotection et de Sûreté Nucléaire (IRSN), la part de l’exposition de la population aux rayonnements ionisants d'origine médicale est largement dominée par la TDM. Dans son dernier rapport de 2020, l'IRSN souligne que plusieurs centaines de milliers de patients en France cumulent, via la scanographie, des doses efficaces dépassant 100 mSv sur trois ans, soit un niveau d’exposition préoccupant, même si ces patients sont souvent suivis pour des pathologies lourdes.
Le programme EPI-CT, coordonné au niveau européen avec une participation française, vise justement à évaluer les risques de cancer après exposition pédiatrique aux scanners. Les premiers résultats confirment un excès de risque pour les hémopathies malignes et les cancers cérébraux.
Pour Rebecca Smith-Bindman, « étant donné le volume important d'utilisation de la tomodensitométrie aux États-Unis, de nombreux cancers pourraient survenir à l'avenir si les pratiques actuelles ne changent pas ».
Selon la Fédération Nationale des Médecins Radiologues Français (FNMR) dans la revue du médecin radiologue libéral, le marché mondial de la TDM est passé de 4,1 milliards de dollars en 2019 à 5,1 milliards en 2020.
Une nécessité de mieux informer et réguler
Les chercheurs insistent sur l’importance d’améliorer l’information des patients. « Peu de patients et de familles sont informés des risques associés aux examens tomodensitométriques », souligne Malini Mahendra, MD, co-auteur de l’étude. « Nous espérons que les résultats de notre étude aideront les cliniciens à mieux quantifier et communiquer ces risques de cancer, permettant ainsi des discussions plus éclairées lors de l'évaluation des bénéfices et des risques des examens tomodensitométriques. »
Dans le communiqué de presse, la Dr Smith-Bindman dénonce également des pratiques hétérogènes car « il existe actuellement une variation inacceptable dans les doses utilisées pour la TDM, certains patients recevant des doses excessives ».