Surprescription d’antibiotiques : Big Brother fait ses preuves

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Surprescription d’antibiotiques : Big Brother fait ses preuves

Une étude californienne montre que les médecins réduisent davantage leurs ordonnances non-conformes aux recommandations s’ils doivent se justifier dans le dossier du patient, ou encore s’ils sont comparés à leurs pairs.

 

La surprescription d’antibiotiques, c’est un peu comme le chômage : on pourrait croire qu’on a tout essayé pour s’en débarrasser. Tout, mais pas Big Brother. Pour inciter les praticiens à lever le pied sur l’amoxicilline, des chercheurs de l’Université de Californie du Sud ont utilisé des moyens presque orwelliens. Leurs résultats viennent d’être publiés dans JAMA : on dirait bien que 1984, ça marche.

L’expérience portait sur 250 médecins de Boston et de Los Angeles. Leur prescription d’antibiotiques en cas d’infection respiratoire aigüe a été analysée entre 2011 et 2014. Pour cette étude randomisée, les praticiens étaient divisés en quatre groupes recevant différents types de messages sur leur ordinateur lorsqu’ils entraient une prescription non-conforme aux recommandations habituelles.

Le logiciel des médecins du premier groupe affichait une proposition d’alternative au traitement antibiotique. Celui des médecins du second groupe leur demandait une justification écrite de cette ordonnance inhabituelle devant figurer dans le dossier du patient. Celui des médecins du troisième groupe affichait un message leur indiquant qu’ils ne faisaient pas partie des praticiens les plus performants de leur zone en matière de rationalisation des prescriptions. Enfin, le quatrième groupe ne recevait aucun message, et servait de groupe de contrôle.

(Se) surveiller et (se) punir ?

Résultat : plus de 30 000 prescriptions ont été jugées inappropriées sur la période étudiée. Leur fréquence a diminué au sein de tous les groupes, mais pas au même rythme. Il semblerait bien que les médecins surveillent davantage leurs ordonnances lorsqu’ils savent qu’ils seront jugés soit par leurs pairs, soit par leurs patients.

En effet, dans le seul groupe qui recevait des messages n’impliquant pas d’autres personnes (celui qui se voyait proposer des alternatives au traitement antibiotique envisagé), le taux de prescription non conforme a diminué de cinq points de plus que dans le groupe de contrôle, mais cette différence n’était pas statistiquement significative.

Les deux autres interventions, qui plaçaient les médecins sous le regard des autres, ont en revanche atteint le seuil de significativité. Le groupe qui se voyait comparé à ses pairs a enregistré une baisse de prescriptions non-conformes cinq points plus importante que le groupe de contrôle. Un chiffre qui grimpait à dix-huit points pour le groupe devant justifier sa prescription dans le dossier patient.

Alors, les médecins seraient-ils meilleurs quand Big Brother is watching them ?

Source:

Adrien Renaud

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